Eau du robinet

La carte de France de la contamination aux polluants éternels

43% des échantillons d’eau du robinet testés par la cellule investigation de Radio France et le réseau France Bleu, contiennent des PFAS, appelés aussi polluants éternels. Des molécules chimiques qui s’accumulent dans l’organisme et peuvent avoir un effet néfaste sur la santé.

Pourquoi attendre deux ans ? A partir du 1er janvier 2026, les collectivités (communes, syndicats intercommunaux…) auront l’obligation de faire tester l’eau du robinet afin de détecter la présence éventuelle de 20 polluants éternels. Et d’informer les habitants, puis d’agir pour tenter de réduire cette pollution, si un certain seuil est dépassé. Ces polluants éternels, connus sous l’acronyme de PFAS pour per et poly fluoro alkylés, peuvent avoir des effets non négligeables sur la santé.

Le 4 septembre 2024, l’entreprise Véolia a annoncé avoir trouvé une vingtaine de points problématiques dans une campagne préventive de tests(Nouvelle fenêtre) sur plus de 2400 points dans toute la France. Mais l’entreprise n’a pas souhaité communiquer le nom des villes concernées. La cellule investigation de Radio France et le réseau France Bleu(Nouvelle fenêtre) ont donc voulu savoir dès aujourd’hui ce qu’il y avait dans notre eau du robinet en France métropolitaine.

Identifier des lieux stratégiques

Entre la mi-avril et début juin 2024, chacune des 44 radios locales de France Bleu a réalisé deux prélèvements en fonction de son bassin de population, mais aussi de lieux où la présence de PFAS dans des sources d’eau était déjà connue grâce à des travaux de l’Anses(Nouvelle fenêtre) (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation). « Nos journalistes ont identifié des lieux possibles, ils ont fait les prélèvements et les ont renvoyés dans les règles. C’est un véritable travail d’enquête et pas seulement de laborantin », explique Matthieu Mondoloni, directeur de l’information du réseau France Bleu. En effet, la proximité entre des captages d’eau et des usines, mais aussi des aéroports, des casernes de pompiers, des papeteries ou des centres de traitement de déchets, de potentiels émetteurs de PFAS, ont guidé nos investigations. Le laboratoire Ianesco(Nouvelle fenêtre), agréé pour l’analyse des PFAS dans l’eau du robinet, a ensuite réalisé les analyses afin que chaque radio locale puisse voir les résultats.

43% de nos échantillons contiennent des PFAS

Sur 89 échantillons d’eau du robinet, 43 % contiennent des PFAS. 27 échantillons révèlent des PFAS interdites ou classées comme cancérogènes, dont cinq à des niveaux préoccupants : à Auxerre (Yonne), Lille (Nord), Saint-Jean-de-Losne (Côte-d’Or), Saint-Vit (Doubs) et Déols (Indre). Dans des pays comme le Danemark ou les Etats Unis, aux législations plus strictes, ces cinq échantillons seraient considérés comme hors normes. Trois prélèvements dépassent la limite française. Il s’agit de Cognac (Charente), Martres-Tolosane (Haute-Garonne) et Saint-Symphorien-d’Ozon (Rhône).

Cognac, commune la plus touchée par la présence de PFAS

A Cognac, la somme des 20 PFAS atteint 187 nanogrammes par litre d’eau (ng/l), soit presque le double du seuil règlementaire. Pourtant, aucune consigne n’a été transmise aux habitants. « On n’a pas eu de traces de présence de PFAS dans les analyses qu’on a déjà sur le secteur », affirme Mickael Villéger, vice-président du Grand Cognac. Pourtant, en juillet 2024, l’ARS (Autorité régionale de santé) reconnaissait dans un article de la Charente Libre(Nouvelle fenêtre) qu’elle avait trouvé des PFAS dans le Grand Cognac et craignait une contamination de la nappe phréatique. « Cette remontée d’information est à prendre en compte de manière sérieuse et nous allons retourner faire des analyses sur le secteur », conclut l’élu en charge de la gestion de l’eau de l’agglomération. Le fleuve Charente a plusieurs industries utilisatrices de PFAS en amont, notamment une papeterie et un ancien atelier de traitement de métaux de l’industriel Naval Group près d’Angoulême. « Un plan de surveillance est en cours sur nos sites et les résultats des analyses seront transmis à la DREAL(Nouvelle fenêtre) [Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement] », nous a répondu le groupe spécialisé dans la construction navale de défense.

Mais les regards se tournent aussi vers le centre d’entraînement de pompiers de Jarnac qui utilise des mousses anti-incendie chargées en PFAS. « Les lieux d’entrainement les plus récents ont des récupérateurs d’eau de ruissèlement mais il y a aussi des casernes où l’on s’entraine avec des produits qui partent directement dans les égouts », explique Manuel Coullet, représentant syndical Sud chez les pompiers. Il y a également eu plusieurs incendies de distillerie dans la région depuis les années 70 qui pourraient expliquer cette présence anormale de PFAS.

Un cocktail de 8 molécules différentes à Martres-Tolosane

A Martres-Tolosane en Haute-Garonne, l’échantillon recueilli par France Bleu Occitanie atteint les 100,2 nanogrammes par litre d’eau du robinet, mais il contient surtout un cocktail de 8 molécules différentes. Informé par France Bleu Occitanie, le maire de la commune s’est dit surpris par ce résultat. « On est juste un peu au-dessus de la norme [qui sera mise en place en] 2026 », tempère Loïc Gojard. « Il faut continuer les analyses avec l’ARS pour voir comment on peut encore améliorer la qualité de l’eau ».

Pour expliquer ce taux anormal à Martres-Tolosane, plusieurs pistes de contaminations sont possibles. Des industries lourdes sont installées sur le territoire de cette commune de 3000 habitants située en aval de plusieurs entreprises chimiques, comme BASF ou encore l’usine de pâte à papier Fibre Excellence de Saint-Gaudens. Si les analyses transmises par ces deux industriels aux autorités montrent actuellement de faibles rejets de PFAS dans l’eau de la Garonne, le problème peut également venir de l’épandage des boues de station d’épuration sur les terres agricoles de la commune. Trouver l’origine exacte d’une pollution aux PFAS peut vite tourner au casse-tête. « En Allemagne, nous avons identifié des terres agricoles extrêmement contaminées aux PFAS. Mais nous n’avons pas trouvé d’industriels à côté. Il n’y a pas eu non plus d’incendie », témoigne Frank Karg, directeur scientifique de HPC International,(Nouvelle fenêtre) entreprise spécialisée dans la dépollution. « Nous sommes finalement arrivés à la conclusion que c’étaient les boues de stations d’épuration d’entreprises de recyclage de papiers et de cartons qui avaient contaminé les terrains », ajoute-il.

Une eau qu’on peut boire à Saint-Symphorien d’Ozon… malgré un seuil légal dépassé

Le troisième point qui dépasse la norme légale, selon nos prélèvements, est situé à Saint-Symphorien-d’Ozon dans le Rhône avec 119,2 nanogrammes par litre d’eau. Il y a deux ans, cette commune a découvert (comme d’autres) l’ampleur de la contamination de son eau potable en raison de la proximité d’usines fabricants des PFAS, mais aussi à cause d’un incendie, au port Edouard Herriot en 1987. Un plan d’action a été mis en place avec l’agglomération du Grand Lyon pour faire baisser le niveau des polluants, mais il ne semble pas encore avoir porté totalement ses fruits. La mairie de Saint-Symphorien-d’Ozon n’a pas répondu à nos sollicitations, mais de nouvelles analyses légèrement en dessous du seuil légal ont été faites par Suez en juillet 2024.

D’autres communes, cette fois dans l’agglomération lyonnaise, sont confrontées aux mêmes difficultés. « Nous avons un plan d’action qui consiste à changer les systèmes de filtration de notre usine de traitement des eaux afin de mettre en place des charbons actifs plus souvent pour retrouver une eau conforme avant 2026 », explique l’élu en charge du cycle de l’eau à la Métropole de Lyon, Anne Grosperrin.

En attendant, l’Agence régionale de santé de la région Auvergne-Rhône-Alpes considère que, même si ce seuil est dépassé, tous les habitants peuvent continuer à la boire. « Restreindre l’usage de l’eau distribuée ne garantirait plus aux personnes desservies un accès à une eau dont la qualité est contrôlée », écrit ainsi l’ARS sur son site internet(Nouvelle fenêtre). L’agence précise également que les risques sanitaires sont insuffisamment caractérisés scientifiquement, tout en indiquant qu’il y aura bientôt un avis de l’Anses et du Haut conseil de santé publique pour en savoir plus.

A quoi bon fixer un seuil pour ne rien faire s’il est dépassé ? Interrogée par la cellule investigation de Radio France, la Direction générale de la santé (DGS) explique qu’elle a « une approche au cas par cas visant à réduire les contaminations. Les préfets ont la possibilité d’adopter des mesures plus contraignantes selon les cas. » Et la DGS précise qu’« il revient aux responsables de la production et de la distribution d’eau [les élus] d’informer leurs abonnés [les habitants] des dépassements. »

Une contamination d’ampleur

Notre enquête en partenariat avec France Bleu vient en tout cas confirmer l’ampleur de cette contamination aux PFAS. Le 23 février 2023, une carte d’Europe constellée de points contaminés par les PFAS s’affichait à la une du journal Le Monde(Nouvelle fenêtre). “Nous avons produit une image qui matérialise la gravité d’une situation qu’énormément de décideurs et d’autorités sanitaires se sont pris en pleine tronche, comme un mur”, explique la journaliste d’investigation du quotidien Stéphane Horel, membre du consortium de médias Forever Pollution Project. (Nouvelle fenêtre)En effet, les PFAS présentent des risques pour la santé et l’environnement identifiés depuis le début des années 2000. Depuis, un plan d’action ministériel est entré en vigueur et une proposition de loi(Nouvelle fenêtre) a même été débattue en 2024 pour interdire l’utilisation de ces molécules dès 2025, sauf pour les usages considérés comme essentiels (prothèses, batteries de véhicules électriques…) et les ustensiles de cuisine. Mais la navette parlementaire entre l’Assemblée et le Sénat a été interrompue, depuis la dissolution.

Des décennies dans l’environnement

Les PFAS, elles, ont l’éternité devant elles. Celles que l’on appelle un peu abusivement polluants éternels sont en fait des molécules chimiques créées par l’Homme qui restent des décennies dans l’environnement et plusieurs années dans nos organismes. « Elles sont issues d’une liaison entre des atomes de fluor et de carbone, qui est très difficile à casser », explique Marc André Delsuc, chimiste au CNRS et responsable de l’institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire(Nouvelle fenêtre) à Strasbourg. « Il en existe des dizaines de milliers », reconnait le chercheur qui tente d’en identifier le plus possible dans les échantillons qu’il analyse.

Du téflon au papier toilette

Utilisées au départ dans les années 50 pour le traitement de métaux afin de rendre les chars et les avions plus résistants, les PFAS sont utilisées dans les poêles à frire en téflon, les prothèses médicales, des mousses anti-incendie, ou certains pesticides. Elles vont aussi se répandre avec les gaz fluorés de nos climatiseurs ou encore via les imperméabilisants de nos vêtements et de nos meubles, les emballages de nos sandwichs, nos cosmétiques waterproofs… « Là où j’ai été le plus surpris, c’est pour le papier toilette », explique Pierre Labadie, directeur de recherche au CNRS et membre de l’équipe physico et toxicochimie de l’environnement à l’université de Bordeaux. « A cause des lubrifiants, que l’on met sur les papiers, il peut y avoir une contamination du produit à la fin », conclut l’un des meilleurs chercheurs français sur la question des PFAS.

Aujourd’hui, une nouvelle famille de PFAS, les fluoropolymères prennent un nouvel essor en raison de leur présence dans l’informatique ou les batteries pour véhicules électriques. Ces PFAS peuvent également se diffuser dans l’environnement, dans l’air ou dans l’eau à cause des rejets gazeux et liquides, lors de la fabrication de ces câbles ou de ces batteries. Selon l’Agence européenne de produits chimiques(Nouvelle fenêtre), entre 117 000 tonnes et 442 000 tonnes de PFAS ont ainsi été diffusées sur le marché européen en 2020. L’ONG Chemsec(Nouvelle fenêtre) a recensé douze entreprises chimiques responsables de la majorité de la production mondiale de PFAS : AGC, le français Arkema, Chemours, Daikin, 3M, Solvay, Dongyue, Archroma, Merck, Bayer, BASF et Honeywell. Mais des milliers d’autres entreprises en utilisent dans la fabrication de leurs produits.

Des effets reconnus sur la santé

En 2014, 250 scientifiques d’une trentaine de pays signent la déclaration de Madrid(Nouvelle fenêtre) qui appelle à surveiller et à stopper la diffusion de toutes les PFAS dans notre environnement. Ces molécules se sont tellement répandues partout qu’on en trouve dans le foie des ours polaires, dans les plantes mais aussi dans le lait maternel ou encore dans le sang des habitants proches des usines qui fabriquent des PFAS.

« Chez les amphibiens, nous avons vu qu’elles ont des effets sur la gaine de myéline, une membrane qui protège leurs neurones », explique Jean-Baptiste Fini, éco physiologiste et professeur au muséum d’histoire naturelle. Or le fonctionnement de la gaine de myéline des têtards et des humains est proche.

Afin de tenter de comprendre l’impact des PFAS sur l’Homme, des études(Nouvelle fenêtre) ont été menées à Ronneby, en Suède. « Les habitants ont été exposés à la pollution de leur eau potable à cause de l’aéroport et des mousses anti-incendie », détaille l’éco-toxicologue suédois Anders Glynn. Et il ajoute : « Les chercheurs ont remarqué à Ronneby un taux de cholestérol plus élevé et une légère augmentation des cancers du rein et des testicules, qui sont des maladies plutôt rares dans la population générale ». Les études scientifiques se sont multipliées depuis le début des années 2000 sur une dizaine de PFAS. « Il y a des effets métaboliques qui sont maintenant bien connus sur quelques PFAS avec des effets sur le cholestérol, mais aussi sur le système immunitaire », confirme le toxicologue et directeur de l’institut de Santé publique de l’Inserm Robert Barouki . En décembre 2023, le Centre international de recherche contre le cancer(Nouvelle fenêtre) a classé deux d’entre elles comme cancérigène possible pour le PFOS (l’acide perfluorooctanesulfonique) et avéré pour le PFOA (l’acide perfluorooctanoïque) C’est par ces substances que le scandale est arrivé des Etats Unis.

L’avocat qui a inspiré le film Dark Waters

En rendant service à un ami de sa grande mère, l’avocat d’affaires de Cincinnati, Robert Billot a révélé l’un des plus gros scandales sanitaires des années 2000. L’affaire est fidèlement expliquée dans le film Dark Waters de Todd Haynes sorti en 2019. Le film illustre le procès qui a eu lieu en 2005 contre l’entreprise Dupont après la contamination de sources d’eau potable de la ville de Parkersburg en Virginie occidentale. « Notre cabinet représente maintenant des centaines de collectivités qui ont découvert qu’elles étaient elles aussi contaminées par les mêmes PFAS », explique Robert Billot.

En juin 2023, trois entreprises, Chemours, Dupont et Corteva ont payé une amende de près de 1,2 milliards de dollars pour solder les poursuites dont elles faisaient l’objet aux Etats Unis(Nouvelle fenêtre). L’agence américaine de protection de l’environnement, l’EPA, a fixé un seuil(Nouvelle fenêtre) à ne pas dépasser dans l’eau potable pour le PFOA et le PFOS à 4 ng/litre, un seuil très bas. En France, peu importe le niveau de ces molécules tant qu’on reste en dessous de 100 ng/l pour la somme de 20 PFAS. Au Danemark, la somme des 4 PFAS les plus problématiques pour la santé ne doit pas dépasser les 2 ng/l. « On pourrait en tester d’autres que ces 20 là », juge François Veillerette, président de l’ONG Générations Futures(Nouvelle fenêtre). Au Canada, ce sont effectivement 25 PFAS qui sont testées et qui ne doivent pas dépasser les 30 ng/l.

« Vous savez, [ces molécules] ne changent pas parce qu’elles sont en France. Ce sont les mêmes produits chimiques, les mêmes effets sanitaires, la même science… Nous devons appliquer les mêmes standards pour être sûrs que les gens ne boivent pas ça », s’insurge Robert Billot, l’avocat américain qui défend aujourd’hui les communes américaines contaminées aux PFAS.

La France en retard

La norme française sur les PFAS censée s’appliquer à partir du 1er janvier 2026 semble déjà obsolète, par rapport à d’autres pays européens. « Ces décisions sont prises par des responsables politiques qui ne se basent pas seulement sur les effets sur la santé mais aussi sur ce que ça coûte de dépolluer l’eau », explique Anders Glynn, qui a été expert auprès de l’Agence sanitaire suédoise. « En Suède on s’est plus basé sur la science et donc on a fixé un niveau de polluants dans l’eau plus bas que le reste de l’UE », conclut le chercheur. Mais la France pourrait bien rattraper son retard l’an prochain puisqu’un groupe de travail d’une quinzaine de chercheurs planche en ce moment sur toutes les études scientifiques publiées récemment afin de revoir éventuellement nos valeurs toxicologiques. « Le Haut Conseil de la santé publique mène aussi des travaux », précise Céline Druet, directrice adjointe de l’évaluation des risques à l’Anses. En attendant, il semble étrange de tolérer 20 ng/litre de PFAS cancérigènes dans l’eau du robinet quand nos voisins agissent au-delà de 2ng.

Augmentation du risque de cancer

Les résultats de cinq villes dans notre analyse (Auxerre, Lille, Saint Jean de Losne, Saint Vit et Déols près de Châteauroux) posent aussi question par rapport à leur niveau de PFAS classées comme cancérogènes. Dans leur échantillon, les taux de PFAS les plus problématiques pour la santé dépassent les taux autorisés aux Etats-Unis. « Cela ne veut pas dire que vous aurez forcément le cancer mais c’est une augmentation du facteur de risque de 10 ou 20%. Il faut rappeler que fumer augmente le risque d’attraper un cancer du poumon de 40 fois », tempère le professeur de toxicologie Robert Barouki. Mais le tabac est un risque choisi. Mieux vaut donc ne pas boire de molécules cancérogènes du tout, pourtant les règlementations sur l’eau potable le tolèrent finalement. L’analyse de nos prélèvements montre qu’en cas d’évolution de la norme française vers des niveaux plus stricts, les villes concernées devront donc prendre des mesures. La métropole de Lille a expliqué à France Bleu Nord avoir déjà fait et publié des analyses sur les PFAS. Elle mène également des investigations pour identifier les sources d’eau les plus concernées. D’autres collectivités, comme Saint-Vit dans le Doubs, remettent en cause la qualité du prélèvement qui les concerne.

Une solution collective plutôt qu’individuelle

En attendant que la législation et les contrôles soient renforcés, certains habitants ne veulent pas boire d’eau qui contient des polluants éternels. « On a arrêté d’arroser le jardin et de consommer les légumes. On était passé à l’eau en bouteille au début et puis on a découvert les problèmes de micro plastiques alors on alterne avec l’eau du robinet », explique Stéphanie, membre du collectif Bien vivre à Pierre Bénite. Les citoyens concernés s’échangent aussi des conseils sur les filtres qu’ils peuvent adapter à leur robinet ou dans des carafes qui coûtent jusqu’à 300 euros. « Il y a des pichets qui fonctionnent et d’autres pas. Il faut faire attention à prendre des marques certifiées et vérifier qui les certifie », détaille le professeur de chimie environnementale à l’université de Montréal Sébastien Sauvé.

Mais ces solutions créent une inégalité entre les familles qui peuvent se le permettre financièrement, et les autres. « Nous privilégions une solution collective pour la santé publique plutôt qu’individuel », estime Robert Barouki, toxicologue, directeur de l’institut Santé Publique de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

238 milliards par an pour éliminer les PFAS en Europe

Retirer les PFAS de l’eau potable n’est pas toujours simple pour les collectivités qui doivent d’abord identifier le ou les forages pollués et parfois s’en priver. Pour certaines petites communes, cela signifie qu’il faut se raccorder à un réseau plus grand. Une autre solution consiste à changer le système de traitement de l’usine de production d’eau potable. « Il y a pas mal de technologies qui permettent de retirer les PFAS de l’eau, mais qu’est-ce qu’on en fait ensuite ? », s’interroge Julie Lions, experte en hydrogéochimie au BRGM (Bureau de recherche géologique et minière). « On va les piéger avec des systèmes de nanofiltration, de résines ou de charbons actifs », détaille la scientifique.

Se pose aussi la question de décontaminer les sols et pas seulement l’eau. Car il existe aussi des limites pour certains PFAS dans l’alimentation. Ainsi, certains éleveurs en Belgique ne peuvent plus vendre leur production(Nouvelle fenêtre) en raison de la contamination aux PFAS. En octobre 2023, de la viande bovine en provenance de Belgique a été retirée du marché français(Nouvelle fenêtre) en raison d’un taux de PFOS trop élevé. Nos voisins européens testent déjà des techniques de dépollution innovantes. « On travaille actuellement sur des mousses ou des gels qui vont piéger les PFAS présents dans le sol », explique encore Julie Lions du BRGM. « On va ensuite extraire ces fluides et enlever les PFAS », conclut la chercheuse. Mais ces solutions sont coûteuses et énergivores. « On estime que le coût annuel pour éliminer les PFAS de l’eau potable est de 238 milliards d’euros au niveau européen », rappelle Julie Lions.

Faire appliquer le principe pollueur-payeur

Pour en savoir plus :

https://www.francetvinfo.fr/enquetes-franceinfo/enquete-franceinfo-eau-