La France se déclare officiellement affectée par la désertification
La publication de l’Atlas mondial de la sécheresse à l’occasion de la COP 16 sur la désertification à Riyadh montre que ce risque augmente dans le monde entier. La France se déclare officiellement affectée par le phénomène.
« Les sécheresses ont augmenté de 29 % depuis 2000 en raison du changement climatique et de la gestion non durable des ressources en terres et en eau », indique le secrétariat de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD ou CNULCD) à l’occasion de la publication de l’Atlas mondial de la sécheresse (1) .
Ce rapport, réalisé par le secrétariat de l’UNCCD et le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne en collaboration avec trois instituts universitaires (2) , a été dévoilé, le 2 décembre, lors de l’ouverture de la 16e Conférence des parties (COP 16) à l’UNCCD, à Riyad (Arabie saoudite). Il révèle la progression des sécheresse « en fréquence, en intensité, en étendue spatiale et en durée dans le monde entier ». Ce qui a poussé la France à se déclarer officiellement partie affectée à la UNCDD, c’est-à-dire directement concernée par le risque de désertification.
Parmi les dangers les plus coûteux et les plus meurtriers
« Les sécheresses (…) comptent parmi les dangers les plus coûteux et les plus meurtriers au monde, pointe le rapport. Elles ont un impact sur des systèmes critiques, notamment l’approvisionnement en eau potable, l’agriculture, l’approvisionnement en énergie, le commerce et la navigation, tout en menaçant la santé des écosystèmes et les services qu’ils fournissent. »
Les auteurs décrivent « un phénomène systémique qui touche plusieurs secteurs et systèmes, créant des impacts composés et en cascade difficiles à estimer et à prévoir ». Et d’expliquer : « Le risque de sécheresse est un facteur clé de la crise de l’eau, intimement lié aux crises du climat et de la biodiversité, et qui augmente avec la dégradation et l’aridification des terres. Le changement climatique est un facteur majeur de l’augmentation de la fréquence, de la durée et de l’intensité des sécheresses. Il augmente également la possibilité de catastrophes complexes et concomitantes telles que les vagues de chaleur, les crues soudaines et les incendies de forêt, eux-mêmes intensifiés par le changement climatique. »
Et ce risque augmente dans le monde entier, « y compris dans des régions qui ne sont pas traditionnellement associées à la sécheresse », même s’il touche de façon prioritaire les pays à revenu faible ou intermédiaire. « Rien qu’en 2022 et 2023, 1,84 milliard de personnes, soit près d’une personne sur quatre dans le monde, ont été touchées par la sécheresse, dont environ 85 % dans les pays à revenu faible ou intermédiaire », rapportent les auteurs de l’étude. Et cette proportion devrait monter à trois personnes sur quatre d’ici à 2050 si le phénomène n’est pas enrayé.
D’où l’appel de l’UNCCD à l’adoption de plans nationaux et à une coopération mondiale. « L’Atlas mondial de la sécheresse met au défi les gouvernements, les chefs d’entreprise et les décideurs politiques à tous les niveaux de repenser radicalement la manière dont ils prennent des décisions et gèrent les risques de sécheresse. J’appelle toutes les nations, en particulier les Parties à la CNULCD, à prendre au sérieux les conclusions de l’Atlas », exhorte Ibrahim Thiaw, secrétaire exécutif de l’UNCCD.
Pourtour méditerranéen et Corse du sud
La France semble avoir pris la mesure du risque même si elle ne fait pas partie des pays en première ligne. Le Comité scientifique français pour la désertification estime que 1 % du territoire national est concerné par ce risque sur le pourtour méditerranéen et en Corse du sud, ainsi que dans certains territoires d’outre-mer comme Mayotte. Ces régions connaissent un déficit hydrique significatif, et leurs sols présentent des signes d’altération de leurs fonctions d’absorption de carbone, de production agricole ou de services écosystémiques. Ce qui va au-delà de la sécheresse qui est, quant à elle, un phénomène passager.
Cette proportion de territoires français affectée devrait augmenter si rien n’est fait. C’est l’une des raisons qui a poussé la France, par la voie de son secrétaire d’État chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, Thani Mohamed-Soilihi, à annoncer, lors de la session d’ouverture de la COP, qu’elle se déclarait partie affectée à l’UNCDD.
« Se déclarer partie affectée, c’est envoyer un message de solidarité aux pays les plus vulnérables et réaffirmer au plan international notre engagement à lutter contre la désertification », explique le cabinet du secrétaire d’État. Il y a donc une dimension symbolique dans cette déclaration, mais pas seulement puisqu’elle implique aussi des obligations de rapportage. « Se déclarer partie affectée requiert de rendre compte, (…) tous les quatre ans, d’un point de situation sur la situation des territoires affectés (indice d’aridité des sols, indice de fertilité, indice de stockage carbone des sols, etc.), de présenter les mesures adoptées pour faire face à ce phénomène (un plan d’action contre la désertification) et l’impact de ces mesures d’atténuation et d’adaptation », détaille le cabinet.
Et ce risque ne doit pas être sous-estimé. « Les effets de la sécheresse sont généralement moins visibles et attirent moins l’attention que les événements soudains, comme les inondations et les tremblements de terre, alerte le secrétariat de l’UNCDD. C’est particulièrement vrai pour les effets sur les écosystèmes, qui ont tendance à être négligés dans les plans nationaux de lutte contre la sécheresse malgré leurs effets paralysants sur les économies et les communautés. Mais les sécheresses à déclenchement rapide, appelées sécheresses éclair, les sécheresses plus intenses et les effets plus évidents deviennent également monnaie courante. »
Notes
1. Accéder au rapport World Drought Atlas (en anglais)
https://www.unccd.int/resources/publications/world-drought-atlas
2. Fondation de recherche Cima (Italie), Vrije Universiteit d’Amsterdam (Pays-Bas) et Institut universitaire des Nations unies pour l’environnement et la sécurité humaine (Allemagne).
https://www.actu-environnement.com/ae/news/france-desertification-declar