PFAS

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Le coût vertigineux de la dépollution de l’Europe

Alors que le Vieux Continent prend peu à peu conscience de l’ampleur de son empoisonnement par ces substances chimiques toxiques et ultrarésistantes produites par l’industrie, « Le Monde » et vingt-neuf médias partenaires ont pu, pour la première fois, calculer le prix qu’atteindrait la décontamination.

Depuis les années 1940, le robinet industriel déverse sur l’Europe des substances chimiques dangereuses qui se sont disséminées dans les moindres recoins de l’environnement. Si leur appellation scientifique – substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) – est peu évocatrice, leur surnom parle de lui-même : « polluants éternels ». Les propriétés chimiques exceptionnelles des PFAS – antiadhésives, déperlantes, antitaches, etc. –, qui les rendent si populaires auprès des industriels, sont les mêmes qui empêchent leur dégradation naturelle. D’une mobilité et d’une persistance remarquables, les PFAS s’accumulent partout : dans l’eau, la terre, les déchets… et aussi les êtres vivants.

Leur élimination apparaît pourtant comme une priorité de santé publique. Car la concentration des PFAS dans l’environnement fait d’eux un danger pour le vivant : cancers, infertilité, toxicité pour le rein, le foie ou encore le système immunitaire, la liste des maladies reliées à une exposition aux PFAS ne cesse de s’allonger.

Mais le chantier que doit entreprendre l’Europe pour les détruire est pharaonique. Le continent abrite à lui seul au moins 23 000 sites pollués, et presque autant de sites fortement suspects, identifiés en 2023 dans une enquête collaborative menée par Le Monde avec 29 médias partenaires (Forever Pollution Project).

Une question brûle donc les lèvres de tous ceux qui, conscients de cette crise environnementale majeure, cherchent des solutions : combien cela va-t-il coûter ? Pour la première fois, Le Monde et ses partenaires du Forever Lobbying Project, deuxième volet de l’enquête parue en 2023, sont parvenus à une estimation du prix de la dépollution : entre 95 milliards d’euros et 2 000 milliards d’euros sur vingt ans. La fourchette haute est fort probablement la plus réaliste. Cette estimation, déjà impressionnante, n’inclut ni l’impact des PFAS sur nos systèmes de santé, ni une myriade d’externalités négatives trop difficiles à quantifier.

Une enquête collaborative inédite sur les polluants éternels

Le Forever Lobbying Project est une enquête collaborative sur le véritable coût de la pollution du continent européen par les PFAS, et sur la campagne de lobbying et de désinformation des industriels pour éviter leur interdiction.

Coordonnée par Le Monde, l’enquête implique 46 journalistes et 29 partenaires médias dans 16 pays : la RTBF (Belgique) ; Denik Referendum (République tchèque) ; Investigative Reporting Denmark (Danemark) ; Yle (Finlande) ; France Télévisions (France) ; MIT Technology Review Germany, NDR, WDR et Süddeutsche Zeitung (Allemagne) ; Reporters United (Grèce) ; L’Espresso, Radar Magazine, Facta.eu et La Via libera (Italie) ; Investico, De Groene Amsterdammer et Het Financieele Dagblad (Pays-Bas) ; Klassekampen (Norvège) ; Ostro (Slovénie) ; DATADISTA/elDiario.es (Espagne) ; Sveriges Radio et Dagens ETC (Suède) ; SRF (Suisse) ; The Black Sea (Turquie) ; Watershed Investigations/The Guardian (Royaume-Uni), avec un partenariat éditorial avec Arena for Journalism in Europe, et en collaboration avec Corporate Europe Observatory, une organisation sentinelle de l’activité des lobbys à Bruxelles.

L’enquête s’appuie sur plus de 14 000 documents inédits sur les « polluants éternels », issus notamment de 184 demandes d’accès à l’information, dont 66 effectuées et partagées par Corporate Europe Observatory.

L’enquête a été accompagnée par un groupe d’experts de dix-huit chercheurs et juristes internationaux, prolongeant l’expérience pionière d’expert-reviewed journalism (« journalisme revu par les experts ») du Forever Pollution Project, notre première enquête sur les PFAS publiée en 2023.

Le projet a reçu le soutien financier du Pulitzer Center, de la Broad Reach Foundation, de Journalismfund Europe et d’IJ4EU.

Il existe un site consacré au projet : foreverpollution.eu.

Un chiffrage inédit

Pour aboutir à ce chiffrage inédit – jusqu’à présent, seuls des calculs très partiels existaient dans la littérature académique –, les journalistes du projet ont combiné les rares informations scientifiques et économiques disponibles avec des données locales collectées auprès de pionniers de la dépollution. Un effort de longue haleine, issu d’une collaboration avec les chercheurs Ali Ling (université de St. Thomas, Minnesota, Etats-Unis) et Hans Peter Arp (université norvégienne de sciences et de technologie).

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D’abord, l’estimation minimale : 95 milliards d’euros sur vingt ans, donc, dans un scénario irréaliste où toutes les émissions de PFAS cesseraient dès demain et où les exigences fixées par la loi resteraient figées. Il s’agirait de traiter uniquement les sites les plus prioritaires – les décharges, les sols très contaminés et quelques unités de production d’eau potable –, en se concentrant sur l’élimination des PFAS aujourd’hui réglementés, notamment les chaînes « longues » (de 6 à 14 atomes de carbone), utilisées historiquement par les industriels.

Or, d’autres polluants éternels attirent aujourd’hui l’attention des autorités : les PFAS à chaîne courte et ultracourte. Introduits progressivement sur le marché par les entreprises pour anticiper réglementations et procès depuis le début des années 2000, ces PFAS « émergents » sont d’excellents fugitifs. Plus habiles encore que leurs congénères, ils échappent à tout système de traitement traditionnel.

Dans leur grande fratrie, le plus sournois est aussi le plus petit. Son nom aurait pu être Joe Dalton, mais les scientifiques lui ont préféré « acide trifluoroacétique » (TFA). Et un sobriquet : « le PFAS ultime ». Issu de la dégradation de pesticides, de gaz réfrigérants ou même d’autres PFAS, longtemps resté dans l’angle mort des campagnes de surveillance, le TFA suscite des inquiétudes grandissantes.

D’abord à cause de l’augmentation « sans précédent » de sa concentration dans l’environnement : le plus minuscule des PFAS « est devenu, de loin, le plus abondant et le plus répandu », décrit le chimiste de l’environnement Hans Peter Arp, qui l’a qualifié, avec ses collègues, de « menace pour les limites planétaires ». Les travaux de l’Organisation mondiale de la santé pour déterminer des valeurs limites sanitaires, attendus en 2026, devraient aiguiller les régulateurs.

L’ampleur de la tâche

S’attaquer au TFA et aux autres PFAS émergents, en leur fixant une valeur limite autorisée dans l’eau, nécessiterait pour l’Europe le déploiement de moyens de décontamination bien plus importants que ceux qui ont déjà été envisagés pour les PFAS dits « historiques ». Selon nos calculs, la facture grimperait à 2 000 milliards d’euros sur vingt ans. Et encore… Ces 100 milliards d’euros par an, qui représentent plus de la moitié du budget annuel de l’Union européenne, seront à débourser « à perpétuité », « du moins tant que les PFAS ne font pas l’objet d’une restriction généralisée, à partir de laquelle leurs concentrations commenceraient à baisser si nous les traitons activement », précise Hans Peter Arp, coordinateur du projet de recherche européen ZeroPM.

Pour comprendre l’ampleur de ces besoins, il faut remonter le cycle de contamination des PFAS jusqu’à sa source.

Au-delà des coûts, la décontamination pose un immense défi technologique et logistique à la société. Aux Pays-Bas, en Belgique, en Suède ou en Norvège, les premiers chantiers sont lancés. Mais, faute de plan coordonné à l’échelle européenne, chaque pays improvise ses propres recommandations, ou ignore simplement le problème.

« Un truc de dingue », « Complètement fou », « C’est les Shadoks ! »… En première ligne, les services publics locaux et les filières de traitement des eaux et des déchets interrogés par Le Monde sont abasourdis face à l’ampleur de la tâche.

Dans les usines de potabilisation de l’eau, l’élimination des PFAS requiert des procédés spécifiques. Le charbon actif, déjà utilisé dans certaines unités de traitement des eaux, « est une solution efficace sur les PFAS “historiques” et sur une partie des chaînes courtes, explique l’ingénieure en environnement Ali Ling. Mais il doit être purgé et changé très fréquemment. Or, ce n’est généralement pas fait dans les usines qui s’en sont déjà équipées pour traiter d’autres micropolluants », comme les pesticides.

PFAS – Le lexique

PFAS

Les substances per- et polyfluoroalkylées représentent une famille de plus 10 000 produits chimiques de synthèse employés par l’industrie depuis les années 1940. Surnommés « polluants éternels », ils sont disséminés partout dans l’environnement et sont indestructibles sans intervention humaine.

PFAS à chaîne longue

PFAS dont la structure moléculaire est composée d’au moins 6 atomes de carbone eux-mêmes liés à des atomes de fluor. Le PFOA et le PFOS, deux substances aujourd’hui interdites, font partie des PFAS à chaîne longue.

PFAS à chaîne courte

PFAS dont la structure moléculaire est composée de moins de 6 atomes de carbone. Anticipant les réglementations, les industriels ont progressivement remplacé les PFAS à chaîne longue par ces PFAS à chaîne courte, qui se sont révélés nocifs, mais aussi plus mobiles dans l’environnement.

TFA

L’acide trifluoroacétique est un PFAS à chaîne ultracourte (2 atomes de carbone). Ses origines sont multiples (pesticides, dégradation d’autres PFAS) et il est le plus répandu et le plus abondant dans l’environnement.

PFOA

L’acide perfluorooctanoïque est l’un des PFAS les plus anciens et les plus répandus. Classé « cancérogène pour les humains » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), il est interdit en Europe depuis 2019.

PFOS

L’acide perfluorooctanesulfonique est l’une des PFAS les plus anciens et les plus répandus. Classé « cancérogène possible  » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), il est interdit en Europe depuis 2009.

Valeurs limites

Concentrations définies par les textes réglementaires, à ne pas dépasser dans l’eau, l’air, les aliments, etc., pour des polluants comme les PFAS ou les pesticides. Les limites dites de qualité ou de gestion, qui permettent d’alerter sur la présence d’un composé chimique dans un environnement surveillé, sont rarement similaires aux valeures sanitaires maximales, censées identifier les risques réels de consommation de l’eau, par exemple.

Osmose inverse basse pression

Système de filtration de l’eau par des pores microscopiques. C’est pour l’instant de la seule technologie capable d’isoler efficacement les PFAS à chaîne courte et ultracourte, notamment le TFA. Ce procédé est toutefois décrié car il est très énergivore, très coûteux, et rejette des déchets dans l’environnement, faute de solutions pour les détruire. Autre problème : une eau totalement filtrée par osmose inverse peut avoir à être reminéralisée pour récupérer les nombreux minéraux utiles à la santé humaine.

Charbon actif

Matériau poreux qui permet de retenir les PFAS à chaîne longue et une partie des PFAS à chaîne courte dans l’eau. Le charbon doit être réactivé ou remplacé régulièrement pour une filtration efficace des PFAS.

PFAS

Projet de « restriction universelle » des PFAS dans le cadre du règlement européen REACH (Enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques).

Présenté le 7 février 2023 par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), ce projet d’interdiction qui vise les 10 000 membres de l’« univers » chimique des PFAS a été développé par cinq pays européens (Allemagne, Danemark, Norvège, Pays-Bas, Suède). S’il aboutit, il n’entrerait pas en vigueur avant 2026.

Surtout, le minuscule TFA et sa chaîne ultracourte font fi du charbon actif. Seule l’« osmose inverse basse pression », une technique de filtration radicale, gourmande en eau et en énergie, est capable de l’isoler… à des coûts prohibitifs pour la plupart des structures modestes – en particulier les petites et moyennes collectivités. Si la réglementation exigeait de limiter le TFA à 100 ou même 500 nanogrammes par litre d’eau, « les fournisseurs prendraient les mesures nécessaires, mais cela signifierait la fin du secteur de l’eau potable tel que nous le connaissons », avance Oliver Loebel, secrétaire général d’EurEau, l’organisation européenne qui représente les prestataires des services des eaux, des régies municipales aux firmes comme Veolia et Suez. « A ce stade, vouloir retirer tout le TFA de l’eau potable, ce serait comme vouloir dessaler les océans », renchérit le chercheur Hans Peter Arp.

L’inconcevable éradication

Avec son projet de filtration haute performance, lancé dès 2015 afin de lutter contre les micropolluants, le Syndicat des eaux d’Ile-de-France nous en donne un avant-goût. Pour intégrer l’osmose inverse à ses procédés de traitement d’ici à 2032, il lui faudra construire une ligne à haute tension spécifique, dont le coût représentera 20 % du budget total du chantier, estimé à 1 milliard d’euros.

Bien qu’efficace, l’osmose inverse laisse par ailleurs derrière elle un volume important de liquide concentré en PFAS, dont les usines ne savent que faire. « Aujourd’hui, la plupart des usines rejettent ces concentrâts dans les rivières ou les océans », déplore Hans Peter Arp. « Il est coûteux mais essentiel de détruire les PFAS retenus, plutôt que de les libérer dans l’environnement, où ils poseront à nouveau problème », soutient Ali Ling, qui a réalisé une évaluation des coûts et technologies de dépollution pour le Minnesota.

La propriété la plus recherchée chez les PFAS – leur résistance extrême – se révèle être aussi leur plus grand défaut dès lors qu’il est question de les détruire. A ce jour, seuls les incinérateurs en sont capables à grande échelle. A condition d’« atteindre des températures supérieures à 1 050 voire 1 100 °C », précise Dorte Herzke, scientifique à l’Institut norvégien de recherche sur l’air. Les incinérateurs conventionnels, qui traitent les ordures ménagères ou une partie des boues d’épuration, sont incapables de produire une telle chaleur. Ils ne peuvent donc pas « garantir une [destruction] complète de tous les PFAS », conclut une étude récente de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques. Pire, des températures trop basses dans ces incinérateurs déplacent le problème, en dégradant les PFAS à chaîne longue en agents chimiques à chaînes plus courtes.*Pour éviter ces effets indésirables et trouver des méthodes de traitement moins voraces en argent et en énergie, la recherche bouillonne. « Certaines techniques montrent des effets prometteurs », affirme la scientifique américaine Ali Ling, qui cite par exemple l’oxydation à l’eau supercritique (soumise à une température et une pression très élevées). Il faudra toutefois plusieurs années avant que ces infrastructures puissent être déployées à une échelle suffisante.

D’autant qu’un autre vecteur de pollution pourrait démultiplier les besoins en incinération, et donc les coûts : les boues. Les résidus solides issus de certaines stations d’épuration urbaines contiennent en effet de fortes concentrations de PFAS. Or, ces engrais à bas prix ont depuis longtemps trouvé un débouché dans nos champs. Aux Etats-Unis et en Suisse, la fertilisation par des boues d’épuration est suspectée d’avoir contaminé des hectares de terres agricoles ainsi que le bétail qui s’y trouvait. D’après nos calculs, brûler ces boues au lieu de les épandre coûterait au bas mot 20 milliards d’euros par an en Europe, sans compter les pertes pour le secteur agricole.

Investir stratégiquement

En bout de chaîne, les stations d’épuration sont aussi encombrées par leurs déchets liquides, qui nécessitent plusieurs étapes de purification avant d’atteindre les PFAS. Pour Ali Ling, « le traitement du TFA n’est pas vraiment envisageable dans ces sites, car trop onéreux ». Les techniques les moins prohibitives financièrement élimineraient les PFAS à chaîne longue mais seulement une partie des PFAS à chaîne courte. Leur mise en place dans les grandes et moyennes stations d’épuration d’Europe nécessiterait au moins 45 milliards d’euros par an.

Ces sommes vertigineuses appellent donc à faire des choix. Pour les PFAS déjà disséminés dans l’environnement, Ali Ling pense qu’il faudra « concentrer nos fonds limités sur les sites présentant des risques réels pour la santé humaine ». Nos analyses montrent que le traitement des écoulements des décharges, très concentrés en PFAS, est un investissement stratégique d’un point de vue économique et environnemental : 1 kg de PFAS peut y être éliminé pour un million d’euros « seulement », contre une dizaine de millions d’euros dans les effluents de station d’épuration.

Autre poste prioritaire : l’assainissement des sols les plus contaminés. Selon les calculs de Hans Peter Arp, nettoyer les terres d’une sélection même très restreinte d’environ 1 800 sites à dépolluer en priorité en Europe (aéroports, bases militaires, usines utilisatrices ou émettrices de PFAS) coûtera au moins 3 milliards d’euros par an dans le scénario le moins onéreux. Il faudra compter un autre milliard pour les fabricants d’emballages enduits de PFAS, associés aux épandages de déchets industriels. A Rastatt (Bade-Wurtemberg), en Allemagne, des tonnes de compost de produits papetiers imprégnés de PFAS ont souillé des centaines d’hectares et les ressources en eau.

« Il est préférable de nettoyer ou de confiner les sols au plus vite, avant que les PFAS se répandent dans toutes les ressources en eau », insiste Hans Peter Arp. Parfois, il est déjà trop tard. Aux Pays-Bas, près de la ville d’Utrecht, les PFAS disséminés dans le sol près d’une ancienne caserne ont contaminé une nappe phréatique. Les autorités vont consacrer dix ans et 22 millions d’euros à la dépollution des sols et des eaux souterraines pour éviter que le panache de polluants n’atteigne les puits d’eau potable.

Pollueur-payeur, l’hypothèse d’une réparation

A quelle adresse faudra-t-il envoyer la facture de cette entreprise de dépollution sans précédent dans l’histoire de l’Europe ? « Si le principe du pollueur-payeur n’est pas appliqué, la charge financière du traitement supplémentaire de l’eau potable nécessaire sera répercutée sur le consommateur », prévient Oliver Loebel, d’EurEau. Faute de contribution des firmes à l’origine des pollutions, chaque foyer européen devrait débourser 480 euros par an pour écoper le TFA de leur environnement proche, d’après nos estimations. Avec d’importantes variations locales, selon l’ampleur des dégâts – loin d’être toujours identifiés.

En Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Suède et même en France, les actions en justice contre les pollueurs se multiplient. Des services publics demandent le remboursement des frais d’assainissement, des collectifs citoyens réclament des dommages et intérêts… Mais ces procès mettront des années à aboutir : les entreprises coupables sont parfois difficiles à identifier, quand elles n’ont pas quitté le pays – comme Miteni, qui a fermé son usine de Trissino (Italie) pour rouvrir en Inde.

« Il n’y a pas assez d’argent sur terre pour retirer les PFAS de l’environnement aussi vite que nous les y émettons actuellement », affirme Ali Ling. Restreindre les émissions de PFAS pour arrêter de faire grimper l’addition s’impose dès lors comme une urgence. « Il n’y a aucun espoir de vider la baignoire tant que nous n’aurons pas fermé le robinet », ajoute la chercheuse, du même avis qu’Oliver Loebel, d’Eureau, pour qui « le contrôle des PFAS à leur source est la priorité absolue ».

« Ce qu’il est essentiel d’avoir en tête, c’est qu’il nous reviendra toujours moins cher de cesser d’émettre des PFAS que de décontaminer », résume Hans Peter Arp. C’est aussi à cette conclusion que sont parvenus l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Suède et la Norvège. En février 2023, ces cinq Etats ont proposé à l’Europe une interdiction de toute la famille des PFAS. Le projet est sévèrement menacé, visé depuis des mois par une intense campagne de lobbying et de désinformation orchestrée par… les pollueurs, qui n’ont jusqu’ici presque rien payé.

Le monde