Racontée par Blancimarron
Ayant vécu 15 années au sein d’un peuple amérindien au fond de l’Amazonie classé comme « non contacté » où j’ai pu être ethnographe spécialiste de la fabrication des outils en pierre, et dont je cache la localisation jusqu’à aujourd’hui, au prix de l’impossibilité de continuer ma carrière de façon officielle, et donc en faisant le sacrifice de mon salaire,
j’étais absent lors de la mise en place en Europe des moyens électroniques de communication: ordinateurs portables, téléphones sans fil, et je reste encore très handicapé pour remplir des formulaires tels que celui de l’organisme nommé « Hello-Asso », et j’ai toujours peur que les renseignements souvent intrusifs demandés tombent entre des mains malveillantes !
Mes précautions pour m’abstenir de communiquer au sujet du peuple amérindien amazonien où j’ai pu vivre, un peu comme mon collègue Pierre Lemonnier, mais lui en Nouvelle-Guinée -Papouasie, qui est un des rares a avoir pu examiner « de visu » la fabrication de haches de pierre, (comme moi), résulte des effets de la curiosité d’un collègue (A. C.) qui a cru bon de séjourner chez les Akurio dans un coin très isolé entre la Guyane Française, le nord-Brésil et le sud-Suriname, un groupe de langue Karib ne pratiquant pas le jardinage itinérant sur brûlis mais vivant uniquement de chasse (beaucoup), de pêche (un peu) et de collecte de fruits de la forêt, forêt rendue discrètement plus comestible grâce à la pratique de l’agriculture invisible découverte récemment par William Balée, Darrell Posey et tout dernièrement par l’archéologue français Stéphen Rostain
(ses derniers livres: « La forêt vierge d’Amazonie n’existe pas. »(Le Pommier, 2021) ; « La flèche et la bêche » (ed. Chandeigne), août 2024, et bientôt, 23 janvier 2025: « Archéologie de l’Amazonie. » : éditions Maison des Sciences de l’Homme, 54 bd Raspail, près de métro Sèvres-Babylone, je donne ces détails car c’est là qu’il prononcera une conférence à 18 h 30 ce 30 janvier 2025, dans la salle attenante à la bibliothèque, dite « Le Comptoir »)…
Ces Akulio sont très mobiles dans la forêt, car ils se déplacent au gré du calendrier saisonnier des dates de fructification des arbres, en créant des campements provisoires à proximité de ces arbres et en se dispersant ensuite en petits groupes familiaux, plus pratique pour des chasses efficaces, donc ne pratiquant que rarement l’habitat en villages un peu plus permanents, occasion alors de pratiquer les rituels, d’organiser les mariages, de vivre des temps de fêtes, moments privilégiés pour la transmission des connaissances.
Hélas des missionnaires ont eu vent par des Wayana qui accompagnaient mon ami A. C. de l’existence d’une « tribu ignorant encore les révélations divines inscrites dans le Livre Sacré nommé « La Bible » »
cause pour ces missionnaires du retard pour Dieu de revenir sur Terre afin d’ « instituer son Royaume »,
ce dont ils sont désolés, et se sentent responsables de ce retard, en estimant
« avoir encore oublié en certaines zones isolées de notre planète d’enseigner la « Bonne Nouvelle » à des tribus encore ignorantes… »
Lorsque le missionnaire désigné pour séjourner dans cette nouvelle tribu « les New-Tribes-Missions », réussi à établir le dictionnaire et la grammaire de cette langue jusque-là inconnue, la congrégation du S.I.L. rédige la Bible dans cette nouvelle langue, et à la fin, le peuple isolé découvert est baptisé, Car tel est le but à la fin du processus !
D’où la création à Dallas, au Texas, d’une congrégation religieuse chrétienne d’obédience protestante qui s’est donnée comme tâche de traduire la Bible dans les 6990 langues du monde entier, avec un effort particulier pour les langues encore inconnues, et encore jamais transcrites par écrit.
C’est ainsi que se constitue cette organisation connue pour son expertise en linguistique : le S.I.L.: le Summer Institute of Linguistics, expertise dont se sert à Paris l’Unesco pour ses publications sur les langues classées comme en voie de disparition, et la revue du S.I.L.: « The Ethnologue » est présente à la Bibliothèque Nationale de France au rayon « Sciences humaines », section « Anthropologie » !
Donc un de ces missionnaire a fini par s’installer chez les Akulio, puis estimant que ce groupe était vraiment trop « primitif », des pistes d’aviation clandestines ont été créées,(je les ai vues) et par une opération quasiment militaire, en dix expéditions d’encerclement, la totalité des Akulio a été déportée, et amalgamée à deux autres ethnies ( des Trio et des Wayana) déjà placées de force dans la « réduction » (mot jésuite) de Tepu- Pepta (je traduit: « La roche géante ») sur un fleuve au centre du Suriname.
Au passage, sur le fleuve Haut Maroni, deux enfants ont été adoptés par les Wayana du village de Malipah-pan, souvent nommé « Elahé »: je les connais bien : Aliki et Pélémit, actuellement les deux seuls Akulio survivants, car tous les autres amenés à Tepu-Pepta sont morts !
De suicides (terrible choc culturel de passer soudain de la hache de pierre à la tronçonneuse, et du nomadisme au village énorme et permanent) et ravages des maladies épidémiques, volontairement non soignées, pour ne pas se mettre en travers de la « punition divine », disaient ces missionnaires.Pour ces dévots, ces « sauvages » sont restés bien trop longtemps entre les mains du diable, ce qui a entraîné la vengeance de Dieu: il leur a apporté des maladies !
J’ai lu en anglais leur rapport à ce sujet: y figure cette phrase dans leur conclusion:
« Opération Akulio: succès complet: nous les avons tous baptisés, et grâce au décès suivant très rapidement leur baptême, toutes les âmes sont parties directement au ciel! »
Seule l’ethnologue chilienne Fabiola Jara a pu écouter les derniers survivants à Tepu-Pepta et rédiger « El Camino del Comu », où elle collecte quelques bribes de la pensée de cette ethnie, et révéler certains détails sur l’extermination de ces amérindiens, texte déposé en Hollande à l’Université de Leiden…
Ce drame que j’ai vécu de près explique les précautions que je prends, et nous sommes trois ethnologues français à avoir décidé de ne pas ébruiter nos informations sur la localisation dans une R.U.P. (donc sous administration de l’Union Européenne) des 5 petits groupes qui fuient tous contacts et persistent
(depuis le choc microbien des années 1820, à choisir comme tactique pour mettre fin à la décimation par transmission de maladies transmises par des germes microbiens issus d’autres continents),
dans leur refus absolu d’être vus par des étrangers, une tactique efficace depuis plus de deux siècles. Des Wayampi nomment « apans » ces groupes qui se cachent (une décision début XIXe du chef Kaulé conservée dans la tradition orale !)
Apans dont ils se sont aperçus qu’ils parlent la même langue qu’eux, tout en choisissant de ne pas pousser plus avant le contact accidentel qui m’a été raconté, et au cours duquel ils ont pu entendre parler ces Amérindiens inconnus …
Cette décision de prudence a certes quelques inconvénients, mais tant pis pour le tropisme habituel des ethnographes souvent d’abord intéressés par leur espoir de rédiger leur thèse et bâtir leur carrière sur la base de publications universitaires sur la langue et la culture matérielle et spirituelle d’un groupe humain jusque là inconnu, nous, ethnologues, décidons d’empêcher « La Science » d’enrichir « La Connaissance », paradoxe à comparer avec des physiciens du C.E.R.N. qui découvriraient une nouvelle particule atomique ou subatomique et décideraient de s’abstenir de l’étudier.
Laissons-les à leur volonté de maintenir leur indépendance ! Et si par malheur, ils avaient la naïveté de tenter de prendre contact avec des étrangers, faisons tout pour éviter les effets toujours ethnocidaires, voire même parfois génocidaires qui résulteraient d’un contact ! Nous ne « sortirions du bois » en tant qu’ethnologues que si nous apprenions que des expéditions risqueraient de se rapprocher de leur lieu de vie, (parfois au nom de l’unité nationale, ou d’un prétendu « humanisme », voire même comme l’écrit l’historien créole Serge Mam-Lam-Fouck au nom de l’extension de la civilisation car il faudrait « dilater l’espace colonial au détriment de l’espace tribal », une façon de s’en tenir aux discours sur l’assimilation ou l’intégration encore si fréquents dans la mentalité républicaine !
quoiqu’il en soit de telles expéditions leur ferait courir un risque mortel, risque pouvant advenir soit du fait d’itinéraires malencontreux d’une mission de légionnaires, soit du fait d’initiatives d’aventuriers souhaitant exploiter avec l’aide de médias cupides la diffusion de leur prétendu « exploit » en utilisant la mode « survivaliste ».
Dans le but de barrer la route à ce genre d’initiatives volontairement ou involontairement nuisibles nous préférons maintenir notre attitude prudente en cachant certaines informations !
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Thierry Sallantin, collègue au cours de mes études de Philippe Descola à l’occasion des séminaires amazonistes de la F.R.A., Formation à la Recherche en Anthropologie, animée par Simone Dreyfus Gamelon
79360 La Plaine d’Argenson, anciennement Prissé-La-Charrière, avant la fusion des communes, le 24 mai 1953, forêt de Chizé, devenue la « Réserve naturelle d’Argenson » » et le Centre national d’étude des animaux sauvages, géré par le CNRS, et dont un des administrateurs fut mon ami Pierre Jouventin, en poste lors de l’affaire du puma en partie raconté par le livre :
« Forêt de Chizé: attention puma! » Geste éditions 2004, auteurs : Philippe Véniel et Frédéric Dumerchat,
récit qui omet de préciser le rôle du shaman Wayana Pidima (connu aussi de Pierre Deléage et de Jean-Christophe Goddard, ethnologues) dans le sortilège dont j’ai pu bénéficier dans les années 1990, pour survivre aux mésaventures orchestrées par le lieutenant-colonel de la DGSE Morin qui m’avait convoqué à la préfecture de Cayenne, car il n’appréciait pas mon combat avec la revue écolo « le Pou d’Agouti » devenue « Maiouri Guyane-Nature »= site sur internet toujours en alerte , contre la multiplication des mines d’or chez les Amérindiens. A ce sujet, la note 40 page 150 du livre de mon autre collègue (études ensemble chez Robert Jaulin, années 1970): Barbara Glowczewski : « Réveiller les esprits de la Terre »: éditions DEHORS, mai 2021, note où figure le titre de mon travail présenté le 11 septembre 2001 à l’Université Paris VII-Denis Diderot, U.F. Anthropologie, Ethnologie, Science des Religions, sous la direction du Professeur Eric Navet:
« UN PARC CONTRE LES AMÉRINDIENS. Histoire de la première tentative de mise en place d’un parc national en Guyane française: 1992-2001″-257 pages. »