Comment l’analyser ?
Les vigilants philosémites de l’année dernière, qui voyaient de l’antisémitisme dans les moindres mots de dirigeants de gauche, sont beaucoup moins réactifs face à l’antisémitisme explicite qui prospère à droite et à l’extrême-droite. Les tergiversations sur le salut nazi d’Elon Musk sont l’expression achevée de cette hypocrisie.
L’année dernière, de fiers combattants contre l’ignominie se sont levés en masse dans les médias. Ils sont ainsi parvenus à déceler l’antisémitisme dans les moindres recoins langagiers et les tréfonds de l’inconscient de dirigeants politiques. Grâce à eux, nous avons compris qu’utiliser le verbe « camper » était une référence aux camps d’extermination. L’ingénu se serait contenté de regarder un dictionnaire et aurait conclu que le verbe se réfère à « établir un camp » ou « s’installer de façon provisoire » ou encore « établir, placer quelque chose avec décision et vigueur » (CNRTL). Heureusement, nous comptions sur la grande vigilance des philosémites qui savent, eux, où se loge l’antisémitisme, où il campe définitivement : à gauche (LFI et NPA).
Et puis, grâce aux philosémites, nous avons compris que l’extrême-droite n’était pas antisémite. D’ailleurs, Marine Le Pen a marché contre l’antisémitisme, alors qu’une bonne partie de la gauche non. Il est donc naturel d’appeler LFI le « premier parti antisémite » de France.
Alors, il est vrai, la candidate du RN a, plus récemment, regretté d’avoir éjecter Jean-Marie de son parti. Il faut donc conclure que, pour elle, l’antisémitisme de son père n’était qu’un détail.
Et là, il faut bien dire que nous n’avons pas trop entendu les vigilants philosémites s’égosiller pour dénoncer l’ignominie. Mais bon, des inadvertances ça arrive à tout le monde, n’est-ce-pas. Les mêmes n’avaient pas trop remarqué que Jordan Bardella ne croyait pas que le fondateur de son parti fût antisémite (ni les autres fondateurs, il faut supposer). Ni que Macron avait considéré que ne pas vouloir célébrer les 150 ans de la naissance de Charles Maurras équivalait à nier l’histoire (ce qui est assez cohérent pour un admirateur du Puy du Fou).
Dès lors, on comprend que pour les mêmes philosémites qui cherchent de l’antisémitisme dans l’inconscient des militants de gauche, celui-ci ne soit pas évident dans le « geste controversé » d’Elon Musk. En effet, pour des esprits aussi subtils, un salut nazi, les gestes accompagnant habituellement le cri « Sieg Heil ! », ne peut en aucun cas être un simple salut nazi. Il faut y voir autre chose, sinon on serait obligé d’admettre que Musk est un nazi et, par conséquent, antisémite.
A moins que, comme l’affirme la leader du parti néo-nazi allemand (AFD), Alice Weidel, Hitler n’était pas un nazi mais un communiste. Il s’ensuivrait que, en faisant un salut hitlérien, Musk rend hommage au communisme.
Bref, quand le grand n’importe quoi triomphe aux USA et ailleurs, on peut remercier tous ces gens bien éduqués qui ont activement installé la confusion en se servant des juifs.
Jérémy Rubenstein ; historien de formation ; Abonné·e de Mediapart