Le péril JEUNE

On continue dans la répression

Une proposition de loi visant à « restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents » a été adoptée par l’Assemblée nationale le 13 février 2025. Élaborée en réponse aux émeutes de l’été 2023, qui ont fait suite à la mort du jeune Nahel lors d’un contrôle policier, celle-ci crée une procédure de comparution immédiate pour les mineurs, abandonne l’atténuation des peines en fonction de l’âge et durcit les sanctions envers les parents.

Voici trente ans au moins que dans le champ de la justice des mineurs, chaque nouvelle loi vient accuser un tournant répressif. En 2008 déjà, le rapport Varinard dénonçait le « laxisme » de l’ordonnance de 1945, qui favoriserait un sentiment d’impunité chez les jeunes délinquants. Bien loin donc de la philosophie de cette ordonnance fondatrice, qui considérait les mineurs délinquants comme des victimes de leurs conditions de vie, qu’il convenait d’éduquer et de protéger. Écornant ces principes jusqu’au Code de la justice pénale des mineurs de 2021, les réformes engagées ont cherché à rendre les sanctions plus sévères dans l’espoir de dissuader l’acte délinquant.

Dans un contexte global de recul de la confiance dans les institutions et la règle de droit, cette nouvelle loi met particulièrement à mal le principe d’individualisation de la peine, pourtant central pour des jeunes dont les parcours sont marqués par la déstructuration familiale, l’échec scolaire, la culture de la rue et la précarité sociale. En outre, si les mineurs sont pénalement responsables, pourquoi sanctionner les parents, plus démunis que démissionnaires ? Et si les mineurs sont pénalement responsables devant la loi, ne conviendrait-il pas alors de leur donner le droit de vote ? Dans une nouvelle illustration du primat désormais accordé à la sécurité sur la protection des individus contre le risque d’arbitraire de la puissance publique, cette loi est adoptée au détriment des libertés et de la responsabilité du monde des adultes à l’égard des enfants, à rebours de ce que Paul Ricœur appelait « l’équilibre de justice ».

https://esprit.presse.fr/infolettre/le-peril-jeune-14

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Trois articles

Éduquer et punir. L’évolution de la justice pénale des enfants

Alors qu’une nouvelle loi est en discussion pour modifier le droit pénal relatif aux mineurs, le modèle de protection de l’enfant qui caractérisait le droit français dans ce domaine pourra-t-il être maintenu ? Il semble vaciller au profit du modèle sarkozyste de protection de la société contre la délinquance juvénile. Est-il possible de retrouver un équilibre de justice ?

Octobre 2006

https://esprit.presse.fr/article/dominique-youf/eduquer-et-punir-l-evolution-de-la-justice-penale-des-enfants-13579

L’ordre ne fait pas une nation

Les mesures phares du second mandat d’Emmanuel Macron, telles que l’augmentation des effectifs de la police ou l’instauration de l’uniforme à l’école, risquent d’être inefficaces, tout en témoignant d’une conception réactionnaire de la cohésion nationale.

Mars 2024

https://esprit.presse.fr/article/sebastian-roche/l-ordre-ne-fait-pas-une-nation-45118

Les jeunes, mis en cause

La dramatisation médiatique de la délinquance juvénile nourrit une politique démagogique, au mépris des tendances de fond qui témoignent plutôt d’un recul de la violence. La réflexion historique permet de relativiser à la fois la violence des jeunes et le supposé laxisme de la justice.

Juin 2024

https://esprit.presse.fr/article/jean-jacques-yvorel/les-jeunes-mis-en-cause-45302