Été 2024 : en amont des Jeux Olympiques et Paralympiques …
… plus de 20 000 personnes ont été expulsées des rues de Paris, poussées hors de la capitale ou déplacées de force d’un trottoir à un autre.
Un véritable “nettoyage social” visant à transformer la ville en carte postale pour les touristes venus du monde entier. Avec ces multiples opérations de chasse aux sans-abris, l’État tentait alors d’invisibiliser l’accueil par le trottoir qu’elle réserve aux personnes exilées, et plus globalement l’abandon des personnes à la rue ou vivant en squat.
Nous avions alors commencé à référencer ces expulsions, via la plateforme Google Maps, en créant des centaines de pin’s rouges (utilisés habituellement pour indiquer des lieux comme les restaurants, les hôtels, les boutiques) avec un prénom, “Chez Alpha” par exemple, pour rappeler à la mémoire des internautes où ces personnes vivaient avant d’être expulsées.
“Chez Adel”, “Chez Alpha”, “Chez Daouda”, “Chez Laurent” … Nous avons créé des dizaines de repères sur Google Maps, révélant autant de lieux de vie détruits, autant de présences effacées de la carte.
Pour porter notre message, chacun de ces pins est accompagné d’un commentaire visible de tous, mettant en avant une réalité brutale souvent bien méconnue : des évacuations sèches sans solutions de relogement, ou des éloignements en région, sans accompagnement ni suivi, coupant les personnes de leurs repères, de leurs écoles, de leurs emplois ou de leurs soutiens associatifs.
Sans que nous communiquions sur cette opération, nous avons cumulé plus de 500.000 vues, permettant de dévoiler aux citoyen·nes usagers de la plateforme les agissements des institutions. Depuis, Google a repéré la faille et a supprimé un certain nombre de ces pins…
Mais nous ne lâchons pas l’affaire si facilement. Depuis janvier, nous avons recommencé à placer des pin’s, rajoutant notamment les personnes déplacées de la station Stalingrad ou les jeunes de la Gaîté Lyrique. Certains des commentaires que nous plaçons sont rapidement supprimés par Google, mais nous continuons l’action pour multiplier les lieux.
Au travers de cette action, nous dénonçons l’invisibilisation des personnes à la rue et sensibilisons chaque jour de nombreux·ses citoyen·nes.
“J’avoue détourner souvent les yeux quand je passe à côté d’une personne à la rue (…) et là un petit badge rouge m’a touché, comme si j’accordais plus d’importance à un pixel sur une carte numérique qu’à un humain sur le bitume…”
François Saltiel, journaliste Radio France dans sa chronique
Si nous œuvrons à trouver des solutions d’urgence pour les personnes à la rue à Paris, avec des missions 24h/24 et 7j/7, nous ne pouvons nous résoudre à mettre des pansements sur des hémorragies. Nous continuerons d’alerter et de sensibiliser, jusqu’à ce qu’une réelle politique d’accueil soit mise en place. Cela ne se fera pas sans vous.
Utopia 56