Faire des efforts, encore plus ? De qui se moque le candidat Macron ?
“Difficile de mieux payer les enseignants, qui ne font pas plus d’efforts” Emmanuel Macron, mars 2022
On va se tutoyer, car le tutoiement peut-être signe de mépris, et le mépris tu le maîtrises à merveille.
Tu sais, j’ai fait des efforts.
J’ai fait des efforts pour boucler mes études, en bossant dans des fast-foods, dans des centres d’appels, rien d’exceptionnel, mais ça, ça n’est pas ton monde. Vu de l’Olympe, il suffit selon toi de voler vers la réussite sous les acclamations de la foule en liesse ou de traverser la rue.
J’ai fait des efforts, pour découvrir la veille pour le lendemain, mes classes, mon programme, les premiers cours que j’ai dû préparer absolument seul et comme un forcené, pour essayer d’être à la hauteur, tous les soirs et week-ends, à chaque instant libre, avec pour seule formation les conseils de collègues compatissants entre deux portes.
J’ai fait des efforts pour être payé avec quatre mois de retard, quand on débute, c’est génial.
J’ai fait des efforts en achetant plus de 800 euros de bouquins pour faire des cours avec des ressources solides (sans salaire).
Puis j’ai fait des efforts pour passer ce concours difficile, qui dévaste tant de candidats.
Je fais toujours des efforts, pour me lever à 6 h du matin et rentrer chez moi à 19h30, parce que tes réformes ont rendu les mutations aléatoires, imprévisibles et impossibles.
Je fais des efforts en partageant ma connexion personnelle pour que je puisse utiliser le matériel numérique.
Je fais des efforts en achetant du matériel, sur mes fonds personnels, pour combler les 27 euros octroyés par élève pour l’année pour l’achat de stylos, peinture, pinceaux, ressources numériques, manuels, diverses fournitures.
Je fais des efforts en prenant un forfait pour les photocopies et impressions pour la classe.
Je fais des efforts en achetant les masques, lingettes désinfectantes et le gel hydroalcoolique, puisque rien n’a été fourni par mon employeur… l’Etat que tu diriges du sommet de ta pyramide.
J’ai fait des efforts pour tout réinventer en distanciel, avec pour seul moyen une connexion et des plateformes anémiques, en recevant parfois des critiques, car des collègues ont merdé.
J’ai fait des efforts, en retournant faire classe, en plein covid.
J’ai fait des efforts, pour ne pas ricaner en recevant mes premiers masques-slips. J’ai fait des efforts pour ne pas rire jaune de recevoir d’autres masques, il y a deux semaines, juste avant de pouvoir les enlever.
J’ai fait des efforts, pour foutre régulièrement en l’air des années de cours, qu’une réforme balaie avec mépris d’un revers de la main.
C’est toujours la même histoire, quand on a réussi à éclaircir la bouillie infâme des programmes, et que l’on a enfin réussi à en faire quelque chose de motivant pour les élèves, on vient nous dire qu’à présent il faut impérativement faire tout le contraire.
Je fais des efforts, pour ne pas me révolter, quand je vois les AESH courir entre trois écoles pour un salaire dérisoire, pour aider les élèves à handicap, pendant que tu claironnes la réussite de l’inclusion.
Je fais des efforts pour ne pas hurler quand il n’y a aucun dispositif d’accompagnement éducatif ou comportemental pour les élèves nécessitant des pédagogies différenciées.
Je fais des efforts, en rédigeant les PPRE, PAP, demandes RASED, GEVASCO, PAI sans compter les projets pédagogiques.
J’ai fait des efforts, quand on a sorti des milliers d’établissements des dispositifs REP et autre, alors que les difficultés sociales persistent et s’accentuent, on casse le thermomètre, comme d’habitude, et on demande aux profs de tout solutionner.
Cela fait 30 ans que l’on diminue les services publics, et que les conditions se dégradent, et que l’on pense y remédier en…diminuant les services publics.
J’ai fait des efforts quand tu as affirmé l’importance de la laïcité, à grand renfort de drapeaux et d’une journée de formation…alors…que tu as supprimé des milliers d’heures de cours d’histoire et d’art etc. (Pareil pour le quart d’heure de lecture…et la suppression d’heures de français, quel cynisme). La Sainte Communication est sauve.
Ton projet c’est l’autonomie des établissements. Cela va parfois privilégier le copinage aux compétences, les profs vont de plus en plus communiquer au lieu de faire un travail de fond. Ton projet c’est détruire l’école publique, la caler sur la privée, en faire un outil libéral en plus.
Toi, tu ne sais pas ce qu’est l’école publique, tu n’es allé qu’à l’école privée, loin de la mixité sociale, culturelle, tu ne connais que ton milieu et ton microcosme.
Tu claironnais que ta grand-mère était institutrice, mais je doute qu’elle validerait tes compétences acquises en cinq ans sur ton livret.
Sincèrement, si tu passais une journée dans certains bahuts, avec les portes qui claquent, les collègues en grande tension nerveuse, qui gueulent à s’en faire péter les cordes vocales, avec des bagarres, de la détresse, loin des caméras et sans la scénographie d’usage, tu pourrais comprendre que les enseignants sont aussi un rempart, essentiel, pour l’avenir de nos jeunes.
Alors, j’ai fait assez d’efforts, pour être payé correctement.
Maîtres et maîtresses en détresse
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Cher président,
J’ai lu votre lettre de candidature et me permets d’y répondre en tant que citoyen militant engagé. Ma situation personnelle et professionnelle est plutôt confortable et j’aurais pu être de ceux qui aurait voté pour vous si je n’avais pas regardé autour de moi et pris un peu de recul. Je « ne peux pas vivre heureux dans un océan de malheur » comme disait si bien un célèbre orateur politique. Mon début d’engagement date de l’été 2018 lorsque j’ai découvert votre projet de privatisation des barrages hydroélectriques. L’exemple de la privatisation des autoroutes soldées à des concessions privées (valorisées 25 milliards d’€ d’après la cours des comptes mais cédées pour 15 milliards €) alors qu’elles étaient pratiquement amorties tout comme nos barrages, le manque à gagner des collectivités qui ne toucheraient plus une partie des bénéfices de ces barrages, la forte probabilité de revente de l’électricité au plus fort lors des pics de consommation électrique etc.. m’ont tout simplement scandalisé. Et quelques mois plus tard en automne, un rapport du GIEC nous alertant de la nécessiter d’engager 5 % de notre PIB chaque année pour mener de front la bataille contre le changement climatique, venait me conforter dans mon idée.
Je reprends donc quelques extraits et je souhaitais y répondre.
« nous avons pu investir dans nos hôpitaux et notre recherche »
Je me questionnais sur les secteurs hospitaliers dans lesquels les investissements ont été faits. Peut-être dans les sacs poubelles dont le personnel soignant se couvrait lors du premier confinement ? Ou encore les filtres à café pour confectionner les masques que vous aviez dans un premier temps réservés aux usines Renault et Airbus, qui sont bien sûr des maillons essentiels dans la lutte contre une pandémie.
Concernant la recherche, la cour des comptes a déjà sorti un rapport indiquant que le CICE a servi principalement les banques et la grande distribution.. Là encore je me questionne sur la pertinence de ce type de recherche quand dans le même temps tous les investissements sur la recherche fondamentale rétrécissent comme peau de chagrin.
Quand au CICE, qu’a-t-il apporté en cette période de pandémie ? Notre « champion pharmaceutique national » SANOFI qui n’a toujours pas sorti de vaccin contre le Covid, trop préoccupé à distribuer la moitié de ses bénéfices plutôt que d’investir dans la recherche pour l’intérêt commun. Mëme un de ses anciens directeurs l’avouait de lui-même. Alors que des mollécules développées par 2 de leurs centres de recherche en France avaient rapporté plusieurs dizaines de milliards d’euros, la direction actuelle s’obstine à supprimer des postes de chercheurs dont elle aurait bien eu besoin
« les transformations engagées durant ce mandat ont permis à nombre de nos compatriotes de vivre mieux »
Comment peut-on se permettre ce genre d’affirmation lorsqu’on sait que l’observatoire de la pauvreté a été supprimé durant votre quinquennat. En cassant le thermomètre il est évident qu’on ne peut plus déceler la moindre fièvre !
Le salaire moyen n’a pour moi aucune signification. Lorsque j’ai démarré ma carrière professionnelle en 2000, 30 % des salariés gagnaient plus de 3000€/mois. Actuellement ce pourcentage s’est réduit à 20 %, démontrant que le nombre de privilégiés fondait comme neige au soleil.
Quant à la part du nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, elle est allée croissante durant votre mandature. C’est très certainement moins la crise sanitaire qui en aura été responsable, que les coups de sabre portés avec dextérité depuis des décennies contre notre système social. Votre doctrine économique que vous et vos prédécesseurs suivez aveuglément, met à mal tous les amortisseurs qui permettait jusqu’alors d’atténuer les effets négatifs des crises.
Par conséquent, lorsque vous affirmez « les crises que nous traversons depuis deux ans montrent que c’est bien ce chemin qui doit être poursuivi. » je ne peux être qu’en totale désapprobation
Je n’oublie pas les ordonnances de début de mandat où la notion de pénibilité a été supprimée pour fléxibiliser et précariser encore plus les « premiers de corvée ». Il suffirait pourtant de voir ce qu’il se passe par exemple dans les entrepôts de LIDL où on y porte 8 tonnes par faction, et où on ne prononce que 3 mots répétés à longueur de temps durant son temps de travail. « une machine à fabriquer des estropiés » d’après certains médecins et qui conduit à voir des personnes de moins de 30 ans finir avec un corps détruit très longtemps avant l’âge de départ à la retraite que vous persistez à vouloir reculer !
Et quid de l’ISF supprimé suite à « une réunion secrète » d’après le site francetvinfo ? Quels effets positifs cette mesure a-t-elle réellement apporté au regard des 20 milliards d’euros qui ne sont pas entrés dans les caisses durant votre quinquennat ? Le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité a déjà indiqué que cette réforme a conduit à un versement plus accrue des dividendes, moins taxés du fait de la « flat tax », ce qui conduit à un accroissement des inégalités.
« Je suis candidat pour inventer avec vous »
Alors que le Grand Débat, que vous aviez vous-même organisé, avait livré entre autre dans sa synthèse que les citoyens réclamaient plus d’intervention en court de mandat d’un élu. Vous aviez alors annoncé vouloir proposer des « ric locaux » pour les municipales qui suivaient. Celà a ensuite été bien vite oublié et aucune candidature larem ne l’a ensuite porposé.
Vous aviez aussi monté une convention citoyenne pour le climat de « 150 personnes issues de la « société civile ». Après en avoir lu la synthèse vous aviez trouvé leurs idées admirables mais vous n’en avez gardé qu’une infime partie en rejetant tout le reste, et ce alors ques les rapports du GIEC se montrent de plus en plus alarmistes !
Mais comment aurait-il pu en être autrement lorsqu’on observe le fonctionnement de l’Assemblée Nationale et du Sénat ? Durant toute votre mandature, les propositions ont été commandées par le gouvernement pendant que la majorité, acquise à la cause de ce dernier, votait en cadence sans possibilité de dialogue. La réforme des retraites en a été un illustre exemple ! Alors que des députés du Parlement mettaient en évidence toutes les failles de ce système à points. On en est arrivé au 49,3 bien tranchant qui a mis fin au débat. Il ouvre clairement une voie à la retraite par capitalisation vu qu’un seuil de 200 000€ annuel a été fixé. Sur ce point il sera inutile de chercher à nier face à ceux qui connaissent cette histoire d’ouverture de capital d’EDF/GDF alors qu’à l’époque on nous jurait la main sur le coeur que ces entreprises resteraient publiques.. Depuis GDF est devenue ENGIE 100 % privée et les prix de l’énergie ont explosé
Comment pourriez-vous inventer quoi que ce soit avec nous quand il est évident que vous n’écoutez que vous, et les intérêts d’un groupe restreint de riches lobbyistes
« En chaque lieu, j’ai perçu le désir de prendre part à cette belle et grande aventure collective qui s’appelle la France. »
Avez-vous aussi perçu le désir de ceux qui voulaient aussi en prendre part mais qui ne le pouvaient du fait du phénomène accroissant des inégalités ? Avez-vous seulement regardé les Gilets Jaunes sous un autre prisme que celui rendu par nos « grands médias » BFM et Cnews qui nous rabâchaient à longueur d’antenne que ce n’étaient que des casseurs, des factieux, des séditieux et tout un tas d’autres sobriquets absurdes. Pourtant, dans la majorité des cas, des gens se rencontraient sur les rond-points, ils discutaient, faisant progresser leur conscience politique. Des assemblées constituantes se formaient, j’ai aussi vu des cahiers de doléances dont l’assemblée se saisissait pour en extraire une synthèse. Mais tout cela a été balayé par des interventions musclées policières qui n’avaient pas lieu d’être, des gazages, des mutilations et nombre d’exactions qui ont même été condamnées par le Parlement Européen. Ces gens aimeraient aussi « prendre part à cette belle et grande aventure collective » et pourraient amener une belle part ! Mais le problème est qu’ils en sont empêchés soit par des accidents de la vie, soit par un niveau de vie insuffisant qui leur oblige à survivre du fait d’un revenu trop bas, soit parce que là encore depuis des décennies, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de casser les amortisseurs économiques en sabrant dans le système social. Au passage on nous parle trop souvent du fardeau des impôts en confondant taxes et cotisations. Ces dernières existent tout autant aux Etats-Unis mais sont prélevées par le privé et avec des montants plus importants car ne vous en déplaise, le privé coûte toujours plus cher que le public !
Votre inaction climatique a été aussi sanctionnée par le Conseil d’État quand les institutions condamnaient lourdement des personnes pacifiques juste parce qu’en réponse à vos non décisions, elles avaient décroché votre portrait
« Cette élection présidentielle déterminera les directions que le pays se donne à lui-même pour les cinq années à venir et bien au-delà. »
Quoi qu’il arrive et « quoi qu’il en coûte », vous n’écoutez que vous monsieur le Président, alors comment pourrions-nous croire ne serait-ce qu’un instant que vous pourriez inventer quoi que ce soit avec nous ?
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