La non-violence comme discours contre-révolutionnaire


Analyse du livre plaidoyer pour la non-violence intitulé « Manifeste pour la non-violence »

Aux éditions Charles Léopold Mayer

Des références absurdes

Afin de défendre l’idée selon laquelle la non-violence serait efficace pour gagner la liberté (ou la démocratie), Pauline Boyer et Johann Haessens mentionnent une étude intitulée How Freedom is Won : From Civic Resistance to Durable Democracy (« Comment la liberté est gagnée : de la résistance civique à la démocratie durable »), réalisée en 2005 par trois grands révolutionnaires, que je me propose de vous présenter brièvement — avant d’en venir à l’étude elle-même.

D’abord, Adrian Karatnycky, longtemps membre de l’Atlantic Council (Conseil de l’Atlantique, un think tank conservateur basé à Washington, très proche du pouvoir états-unien, visant notamment à influencer l’OTAN et comptant parmi ses membres de nombreux ex-dirigeants états-uniens), et président et directeur exécutif de l’ONG états-unienne Freedom House (« Maison de la liberté ») entre 1993 et 2004.

Également conservatrice, créée et financée par le gouvernement des États-Unis, Freedom House joua un rôle majeur dans la propagande anticommuniste d’après la Seconde Guerre mondiale. En 1988, elle créa un groupe de travail sur l’Amérique centrale afin de dénoncer le gouvernement sandiniste nicaraguayen et les guérillas d’extrême gauche de la région, tout en soutenant les dictatures militaires au Salvador et au Guatemala. Noam Chomsky et Edward Herman ont fait remarquer que l’organisation critiquait particulièrement les États opposés aux intérêts états-uniens tout en étant complaisante avec les régimes soutenant les intérêts américains. Par exemple, les élections de Rhodésie (aujourd’hui le Zimbabwe) de 1979, remportées par un parti pro-US, furent qualifiées par l’ONG Freedom House de « justes », tandis que les élections de 1980, remportées par un parti anti-US, furent, elles, jugées « douteuses ». Autre exemple, les élections organisées en 1982 au Salvador par la dictature, qui ne permettaient pas à la gauche de présenter de candidats, furent qualifiées d’« admirables ». Freedom House considérait également que la guerre états-unienne au Vietnam était « une noble guerre ».

Deuxième auteur principal de l’étude : Peter Ackerman, un riche homme d’affaires britannique (décédé en 2022), président du conseil de Freedom House de 2005 à 2009, ancien membre du conseil d’administration du Council on Foreign Relations (CFR, en français « Conseil sur les relations étrangères ») et administrateur de l’Albert Einstein Institution, et qui se trouvait à la tête de deux sociétés d’investissement : Crown Capital Group et RockPort Capital.

Le Council on Foreign Relations (CFR) a été décrit comme « le think tank de Wall Street ». L’autrice indienne Arundhati Roy le décrit comme le « groupe de pression de politique étrangère le plus puissant au monde ». Il compte parmi ses membres un pourcentage élevé d’anciens et d’actuels hauts fonctionnaires du gouvernement états-unien, ainsi que des chefs d’entreprise et des personnalités influentes dans les domaines de l’éducation, des médias, du droit et du travail, etc. Pour Noam Chomsky, « le Council on Foreign Relations est essentiellement la contribution des entreprises à la planification de la politique étrangère » des États-Unis. L’historien états-unien Laurence Shoup, auteur d’un livre sur le CFR, le décrit comme « l’organisation privée la plus puissante du monde […], l’institution ultime de réseautage, de socialisation, de planification stratégique et de formation de consensus de la classe capitaliste américaine. Il s’agit de l’organisation centrale du “haut commandement » de la ploutocratie qui dirige le pays et une grande partie du monde. »

Le troisième auteur principal de l’étude, l’états-unien Mark Y. Rosenberg, également membre de l’ONG Freedom House, est professeur adjoint à la faculté des affaires internationales et publiques de l’université de Columbia.

Venons-en à leur étude, parue en 2005, qui débutait par une mention élogieuse du président George W. Bush tout en ne disant rien de l’invasion illégitime de l’Irak, débutée en 2003, et qui allait faire des centaines de milliers de morts. Comme vous vous en doutez peut-être au vu de ce qui précède, ses principaux défauts sont les mêmes que ceux de la fameuse étude d’Erica Chenoweth (une éminente universitaire états-unienne) et Maria Stephan (une cadre du gouvernement états-unien, également membre du CFR), qui a beaucoup fait parler d’elle dans les médias de masse (avides de promouvoir ce genre de bêtise lénifiante), selon laquelle il faudrait seulement que 3,5% d’une population se soulève non-violemment pour qu’une révolution l’emporte, étude que Pauline Boyer et Johann Naessens mentionnent longuement et très favorablement (sans piper mot de ses nombreux défauts, largement exposés, y compris par le journal Le Monde lui-même, qui la qualifie de « très fragile » !). Et pour cause, l’étude de Chenoweth et Stephan se base en partie sur celle de Karatnycky, Ackerman et Rosenberg !

Tous ces gens, qui sont à peu près du même moule — des partisans de la « démocratie » états-unienne, autrement dit du capitalisme industriel et de l’État, etc. — qualifient de « révolution non-violente et réussie », de « démocratie durable » des régimes politiques ne relevant pas du tout de la démocratie et/ou des phénomènes dont le caractère non-violent est plus que discutable et/ou qualifient de « populaires » des évènements dont l’origine se trouve plutôt dans les hautes sphères capitalistes ou étatiques. La guerre de Yougoslavie n’était pas particulièrement non-violente et n’a pas abouti à des « démocraties durables ». Le Pérou n’est pas une démocratie, la répression étatique qui y sévit contre des mouvements populaires (par exemple contre le Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru) ne saurait être qualifiée de « révolution non-violente » ou de « démocratie durable ». Etc.

Pauline Boyer et Johann Naessens mentionnent un autre lieu commun du panégyrique de la non-violence : le mouvement OTPOR, « qui a fait tomber le dictateur Slobodan Milosevic » sans jamais rappeler que celui-ci bénéficia du soutien logistique et financier du gouvernement des États-Unis, et qu’il n’a pas abouti à une réelle démocratie.

Ainsi que l’analyste politique états-unien Stephen Gowans le formule dans un excellent texte consacré à Peter Ackerman et sa non-violence, publié en 2009, celle-ci constitue « strictement une affaire étrangère, avec pour optique le renversement des gouvernements étrangers opérant en dehors du système de domination impériale des Etats-Unis. La résistance non-violente ne consiste pas à poursuivre la justice sociale, économique et politique ici, à la maison [aux États-Unis]. Il s’agit de prendre le pouvoir à l’étranger, afin de ramener les pays résistants dans le giron impérial des USA. » La non-violence, telle que théorisée par Peter Ackerman et ses semblables, n’est pas « une position morale ou éthique ; c’est une forme de guerre visant à s’emparer du pouvoir politique dans les pays des autres ». En outre, cette forme de résistance non-violente dépend de bien plus que d’une simple volonté ou détermination populaire, comme le montre l’exemple souvent mis en valeur du renversement de Milosevic.

Comme le rappelle Stephen Gowans, « Washington dépensa 41 millions de dollars pour évincer Milosevic, 10 millions en 1999 et 31 millions en 2000 ». Une partie de cet argent atterri dans les poches des militants d’OTPOR. Même un article d’époque du New York Times soulignait que le renversement de Milosevic avait en (bonne) partie été organisé grâce à « un financement extensif en provenance des États-Unis ». Contrairement à ce qu’il prétend dans son livre à succès, Popovic était loin d’être « seul, tout petit et sans armes ».

Dans sa conclusion, Gowans note :

« Les vrais militants de terrain — c’est-à-dire ceux qui ne dépendent pas de l’argent des fondations [prétendument, NdT] philanthropiques — n’ont probablement pas les moyens de se payer tout ce que nécessite une campagne de guerre non-violente. C’est là que les gouvernements occidentaux et les fondations d’entreprise interviennent. Ils sont souvent heureux de fournir le soutien matériel nécessaire, étant donné que l’objectif de la guerre non-violente, qui consiste à s’emparer du pouvoir, possède des conséquences heureuses sur les résultats financiers de leurs clients investisseurs et des entreprises transnationales. Si les militants de terrain pensent qu’ils vont obtenir des fonds des fondations ou des gouvernements pour des projets véritablement démocratiques et socialistes, ils se trompent. Les gouvernements occidentaux et les fondations d’entreprises limitent leur financement aux activistes qui, consciemment ou non, agissent pour faire avancer les objectifs des entreprises et des impérialistes. »

Un diagnostic et un objectif incohérents

Un des principaux défauts du livre de Boyer et Naessens, que l’on peut inférer à partir de ce qui précède, c’est l’absence de toute analyse rigoureuse des enjeux de notre temps. Le ou les problèmes ne sont jamais clairement définis. On évoque ici la « société de surconsommation », ou « de consommation », là « le capitalisme », ou « le système », sans jamais définir clairement les choses. On prétend vouloir « dépasser le capitalisme », « changer le système à la racine », mais, en contrepoint, on promeut des choses comme « des emplois pour toutes et tous », des entreprises vertueuses, des industries soutenables.

Au travers d’assertions disséminées tout au long de leur livre, il apparaît donc nettement que Pauline Boyer et Johann Naessens se prononcent en faveur d’un capitalisme vert et sympa, comme tous les idiots utiles de l’écologisme médiatique. L’industrialisme, la technologie, le capitalisme, l’État ne posent pas problème en eux-mêmes. Un système techno-industriel vert est possible. Un bon système marchand, avec de bonnes entreprises, et un État démocratique aussi. « Les multinationales et les banques peuvent décider de mener et financer des projets éthiques, préservant la biodiversité, le climat et respectant les droits humains tout en refusant toute implication dans des activités néfastes pour le vivant. »

La nullité de l’analyse est affligeante. Comme si l’entreprise, le travail (l’emploi) et la production de marchandises n’étaient pas constitutifs du capitalisme. Comme si des industries et des technologies réellement vertes (et non-capitalistes) pouvaient exister. Boyer et Naessens n’essaient pas un instant d’expliciter leurs assertions, il leur suffit d’affirmer, de manière parfaitement gratuite, tel un souhait dans une lettre au père Noël, que « des alternatives existent à tous les niveaux et dans tous les domaines : économie, éducation, finance, agriculture, industrie, énergie, tourisme, transports, médecine, restauration, commerce, médias, bâtiment, culture, pêche, élevage, textile, gestion des déchets, tertiaire, gestion des communs, celui de l’eau, de la terre, des forêts, de la préservation de l’environnement… »

(Si tout ce à quoi vous aspirez, c’est un capitalisme producteur de marchandises estampillées durables et un État-providence, « des emplois pour toutes et tous », « une rénovation massive des logements », etc., alors peut-être que la non-violence vous suffit.)

Une candeur ridicule et même dangereuse

Dans une partie particulièrement malaisante, intitulée « Respecter ses adversaires », Boyer et Naessens vont même jusqu’à rejeter l’humiliation comme pratique militante, au motif que celle-ci serait trop irrespectueuse.

« L’humiliation est un acte perpétuant la violence structurelle de la société. Elle conduit à la vengeance et nourrit la spirale de la haine. […] Un acte d’humiliation n’est donc pas une action envisageable, qu’elle soit dirigée contre un adversaire ou contre tout autre être humain. »

Greta Thunberg et sa Flygskam — « honte de voler » en suédois, un concept qui désigne le fait de chercher à humilier publiquement une personne pour qu’elle ait honte de prendre l’avion et qu’elle y renonce — c’est déjà trop violent.

Car pour Boyer et Naessens, il n’y a pas d’ennemis, seulement des « adversaires », qu’il importe de respecter.

« Il ne faut pas oublier que celles et ceux qui font tenir le système économique, à l’origine de violences diverses, sont nos pères, nos mères, nos frères, nos sœurs, nous-mêmes. Entrer dans des jugements personnels relatifs aux emplois occupés (une question accusatrice : comment peux-tu continuer à travailler pour ce système meurtrier en faisant ce travail ?), aux activités des un-es et des autres, ne peut mener qu’au ressentiment, ajouter de l’incompréhension, de l’intolérance et contribuer au chaos général dans une spirale de violence démobilisatrice et destructrice, au lieu de cultiver la joie et l’énergie positive, capables de faire bouger les foules. Cela n’empêche pas de mener des actions dirigées sur des personnes en particulier, pour les mettre face à leurs responsabilités en fonction de leurs postes d’élu-es, de dirigeantes économiques ou d’autres positions de pouvoir dans la société. Mais il ne s’agit en aucun cas d’attaques personnelles. Elles sont liées à leurs manquements face aux responsabilités qui leur incombent selon leur fonction ou leur titre. »

Peut-être parlent-ils pour eux, mais en ce qui nous concerne, nul PDG de Total ou chef du moindre État dans nos familles. Et quand bien même, mettre chacun face à ses responsabilités, cela peut se faire au sein d’une famille. Et cela relève du personnel, évidemment, le nier n’a simplement pas de sens.

On remarque aussi qu’il ne saurait y avoir, de la part des crapules au pouvoir, que des « manquements », jamais de volonté de nuire — naïveté, ignorance, les deux ?! On remarque encore qu’il n’y a aucun problème avec les fonctions ou les titres, les positions de pouvoir dans la société, il s’agit simplement d’avoir de bonnes personnes à ces fonctions ou ces positions : un autre capitalisme industriel est possible, une autre organisation sociale hiérarchique, qui serait super parce qu’elle ne comprendrait que des gens bons dans la hiérarchie. Bon sang, mais c’est bien sûr. (Nous préférons, quant à nous, la perspective anarchiste, qui s’est toujours et très justement efforcée d’exposer ce qui devrait être une compréhension élémentaire, à savoir que l’accaparement du pouvoir pose intrinsèquement problème, que la hiérarchie c’est l’injustice.)

Boyer et Naessens encouragent les activistes à « adopter une attitude respectueuse envers les personnes, y compris vis-à-vis des personnes qui s’opposent à nous, et même vis-à-vis des personnes qui utilisent la violence contre nous ». Tendre la joue gauche. « Ainsi, nous nous adressons non pas à un banquier, ni à un policier, ni à toute personne pouvant commettre des actes que nous réprouvons, mais à l’être humain en face de nous, derrière son costume. » Il s’agirait, encore, de considérer nos « adversaires » suivant « les valeurs avec lesquelles nous aimerions être traité.es », car ce faisant « nous nous échappons du statut de victime ou d’opprimées. Nous restaurons notre humanité blessée et lui donnons l’opportunité de régénérer la sienne, abîmée par ses actes. »

Voilà un argumentaire qui se tient sage. En quoi tendre la joue gauche, aimer (ou a minima respecter) son oppresseur ou son bourreau libère-t-il d’une position de victime ou d’opprimé ?! Mystère, les voies de la non-violence sont impénétrables. Les puissants, les riches, les chefs d’État et d’entreprise sans scrupule, approuvent, se marrent sans doute et se délectent. Au sein même des luttes sociales et écologiques, ils bénéficient d’une flopée de ravis de la crèche qui se chargent pour eux de les désamorcer, de les neutraliser.

Diverses omissions

Dans leur discussion — simpliste — de Martin Luther King et du mouvement pour les droits civiques, Boyer et Naessens ne rappellent jamais le rôle important des armes, souligné par le journaliste Charles E. Cobb Jr., ex-membre du SNCC (Student Nonviolent Coordinating Committee) et enseignant de l’université de Brown, dans son livre This Nonviolent Stuff’ll Get You Killed : How Guns Made the Civil Rights Movement Possible (« Ces histoires de non-violence vont vous faire tuer : Comment les armes à feu ont rendu possible le mouvement des droits civiques »).

& immanquablement, Boyer et Naessens ne cessent de se réclamer de la non-violence gandhienne. Or, outre que le succès de la non-violence gandhienne est largement surestimé, jamais la vision de Gandhi n’est honnêtement présentée dans leur ouvrage. Jamais il n’est rappelé combien l’ahimsa gandhienne était extrême. Gandhi affirmait que sa non-violence ne pouvait « pas être enseignée à ceux qui craignent de mourir, et qui n’ont pas de pouvoir de résistance ». Elle versait même clairement dans l’ode au suicide : « L’Histoire est pleine d’exemples d’hommes qui, en mourant courageusement avec la compassion sur leurs lèvres, ont changé le cœur de leurs opposants violents. » Sa non-violence impliquait le « courage froid de mourir sans tuer ». Cependant, ajoutait-il, « celui qui n’a pas ce courage, je veux qu’il cultive l’art de tuer ».

Car la non-violence de Gandhi n’était pas parfaitement non-violente. Gandhi affirmait également que « bien que la violence ne soit pas légale, lorsqu’elle est utilisée en tant que légitime défense, ou en défense des démunis, elle constitue un acte de bravoure bien supérieur à une lâche soumission. » Ou encore que : « L’autodéfense […] est la seule action honorable qui reste lorsque l’on n’est pas prêt à s’auto-immoler. »

Il proclamait que « si nous ne pouvons nous défendre, nos femmes et nous-mêmes, et les endroits que nous tenons pour sacrés, par la force de la souffrance, c’est-à-dire la non-violence, nous devons, nous, les hommes, au moins être capables de les défendre en combattant ». Il insistait même lourdement sur ce point : « Je le répète, et le répèterai encore et encore, celui qui ne peut se protéger lui, ou ses proches, ou leur honneur, en affrontant la mort non violemment, peut et doit se servir de la violence contre son oppresseur. Celui qui ne peut faire ni l’un ni l’autre est un fardeau. »

Tout nous indique, aujourd’hui, que la « force de la souffrance, c’est-à-dire la non-violence » n’est pas adaptée, qu’elle ne suffit pas — nous ne parvenons pas à défendre les endroits que nous tenons pour sacrés, nous ne parvenons pas à défendre nos proches, chaque jour 200 espèces sont précipitées vers l’extinction, et partout le monde naturel part en fumée — et qu’elle ne pourra pas suffire dans notre contexte, notre lutte contre le désastre socio-écologique en cours. Dès lors, d’après les conseils de Gandhi lui-même, nous devrions passer à l’offensive.

Malheureusement, on ne compte plus, aujourd’hui, le nombre de lâches qui se réclament de la non-violence gandhienne. Et qui, pour certains, sont même incapables de désigner l’existence d’oppresseurs.

*

Il ne s’agit pas de prétendre que la violence — quoi qu’on entende précisément par ce terme — est la voie à suivre. Certainement pas. Seulement de rappeler que la non-violence dogmatique, simpliste, naïve, ne devrait avoir sa place dans aucune lutte sociale ou écologique. De même, plus généralement, que les idées — absurdes et mensongères — de Boyer et Naessens.

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