Elle s’approche d’une régularisation contestée
L’un des plus grands élevages porcins de France, Avel Vor, a franchi une étape décisive vers la régularisation. Mais après sept ans de péripéties judiciaires, l’ONG Splann révèle que les conclusions de l’enquête publique censées guider le choix des autorités sont largement biaisées.
Sur la pointe nord du Finistère, à Landunvez, commune côtière de 1 500 habitant·es, quatre immenses silos bleu sombre en imposent plus que le clocher de l’église. Ce sont les installations industrielles d’un des élevages porcins français les plus importants, avec 27 000 porcs charcutiers produits chaque année. L’infrastructure est située à moins de 300 mètres du bourg.
Baptisée Avel Vor (« Le vent de la mer » en breton), elle diffuse des effluves potentiellement toxiques et parfois malodorants dans un périmètre où se trouvent école, crèche, commerces, salle de sport, aire de jeux pour enfants, et quartier résidentiel. Son propriétaire déclare émettre chaque année de 33,3 à 41,9 tonnes d’ammoniac, un gaz irritant à l’origine de la formation de particules fines.
Deux décisions de justice ont établi que l’exploitation n’aurait pas dû être agrandie. Mais loin de réclamer une diminution du cheptel, le préfet a accordé une autorisation provisoire à Avel Vor et ouvert une nouvelle enquête publique, étape nécessaire avant la régularisation du mastodonte. Contre toute attente, le commissaire-enquêteur s’est prononcé en faveur du projet, ouvrant ainsi la voie à son autorisation définitive.
Rembobinons le fil des événements. Philippe Bizien prend la direction de l’exploitation familiale en 2007. Il agrandit peu à peu son élevage, grâce à des autorisations préfectorales ainsi qu’à des permis de construire accordés par la municipalité, dirigée pendant deux décennies, jusqu’en 2014, par son père, Jean-Michel Bizien.
En parallèle, celui qui a fait ses armes dans la section finistérienne de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) réalise une ascension personnelle spectaculaire. À 42 ans, en 2011, il devient administrateur (puis trésorier) de la puissante Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB). L’année suivante, il se hisse à la tête du Comité régional porcin, association qui fédère l’UGPVB, la FRSEA Bretagne, les chambres d’agriculture et le marché au cadran de Plérin (Côtes-d’Armor).
En 2013, il est élu président du groupement de producteurs Aveltis. Il en garde les rênes après la fusion qui donne naissance à Evel’Up en 2018, deuxième coopérative française de porcs, revendiquant 1 000 adhérents et 3,6 millions de porcs produits en 2021. Cumulant trois postes stratégiques, Philippe Bizien est l’un des protagonistes principaux du lobby porcin.
En 2015, il demande une autorisation préfectorale pour porter son cheptel de 8 965 à 12 090 animaux, soit près de 27 000 porcs charcutiers produits par an et 60 tonnes de lisier par jour. C’est plus de quatre fois et demie la taille d’une porcherie hexagonale moyenne.
L’exploitant fait ainsi figure d’exemple pour une filière qui se concentre très rapidement. Entre 2000 et 2019, le nombre de porcheries s’est réduit d’un tiers en Bretagne, tandis que le cheptel ne baissait que de 6 %.
Un environnement dégradé
Habitant d’une commune voisine, Laurent Le Berre, professeur de technologie en collège, a passé son adolescence à faire du surf à Penfoul, plage située sur la commune de Landunvez. Le site au sable fin blanc et aux eaux turquoise est digne des Caraïbes quand il fait beau, « mais devient marron quand il pleut ».
Dans les années 2010, Laurent commence à « remonter les ruisseaux pour comprendre d’où vient la pollution ». Il constate que les terres alentour, où sont épandus les lisiers, sont lessivées par les pluies, et que les rivières charrient des cocktails de terre, nitrates, pesticides et bactéries fécales dans la mer. Or ces trois plages sont alimentées par des rivières qui traversent, entre autres exploitations, les terres d’épandage de lisier de la porcherie Avel Vor.
Aujourd’hui, la plage du Château à Landunvez est interdite à la baignade de façon permanente pour raison sanitaire. Celles de Gwisselier et de Penfoul ont fait l’objet d’un arrêté d’interdiction en juin 2022. À cette période, la concentration en bactéries fécales Escherichia coli dans les eaux de Penfoul était 15 fois plus élevée que la valeur limite bon/moyen, selon les analyses de l’agence régionale de santé (ARS Bretagne).
Laurent Le Berre, devenu président de l’Association pour la protection et la promotion de la côte des Légendes (APPCL), comme d’autres militants pour l’environnement, pointe du doigt la responsabilité de l’élevage intensif.
L’éleveur, qui rejette les accusations et se dit ouvert au dialogue, a refusé de répondre à nos questions. « Si vous souhaitez plus de renseignements sur la filière, je vous conseille de vous rapprocher de la chambre d’agriculture », nous a-t-il rétorqué lorsque nous l’avons sollicité en avril dernier pour une rencontre. Depuis, nous lui avons envoyé par courriel à plusieurs reprises une liste de questions, qui sont restées lettre morte.
Des autorités environnementales peu écoutées
Dès 2015, la Mission régionale de l’autorité environnementale (MRAe) critique vivement le projet d’extension porté par Philippe Bizien, dont les conséquences sur les ruisseaux, les zones humides et la qualité de l’air sont à ses yeux « insuffisamment étayé[es] ». L’année suivante, un rapport d’enquête publique se conclut par un avis défavorable au projet pour les mêmes raisons. Le rapport précise que déjà, dans sa dimension existante, les installations de la SARL Avel Vor produisent « des gênes relatives à de nombreuses nuisances ».
L’enquête publique est une procédure déclenchée par le préfet lorsqu’une installation industrielle est susceptible d’affecter l’environnement. « Ça s’appelle la démocratie participative. C’est la dernière chance pour les citoyens de faire entendre la raison face à une technocratie trop sûre d’elle », défend Dominique Rémy, magistrat délégué aux enquêtes publiques au tribunal administratif de Rennes.
Quelques mois plus tard, le 29 mars 2016, Michel T., un salarié expérimenté, meurt au sein d’Avel Vor, broyé par la machine servant à fabriquer l’aliment des porcs. En avril 2022, la société sera reconnue coupable d’homicide involontaire et Philippe Bizien de négligence concernant la sécurité des salariés. L’exploitant n’a pas fait appel. La famille est en procédure auprès du pôle social du tribunal judiciaire de Brest en vue d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Malgré l’avis défavorable du commissaire-enquêteur, et malgré l’accident tragique survenu trois jours plus tôt, le préfet du Finistère, Jean-Luc Videlaine, accorde le 1er avril 2016 son autorisation au projet d’agrandissement d’Avel Vor. Interrogée sur ces points, la préfecture du Finistère, dont la réponse a pris trois semaines, est laconique : « Nous ne communiquons pas sur des dossiers qui font l’objet de procédures devant la justice. »
L’ancien commissaire non renouvelé
Contacté par Splann, Alain Gérault, le commissaire-enquêteur de 2016, réagit à l’autorisation accordée au projet d’agrandissement : « Notre avis n’est que consultatif, la préfecture a le droit de ne pas le suivre. Mais après dix ans de carrière, c’est la première fois que ça m’arrivait. » En sus, il explique n’avoir pas été renouvelé dans sa fonction de commissaire-enquêteur l’année qui a suivi cette enquête.
Aucune explication ne lui a été fournie par la commission départementale d’aptitude. Il se souvient d’avoir ressenti « une forte tension lors de l’enquête publique ». « Des élus municipaux se prononçaient contre le projet et des riverains déclaraient qu’ils allaient engager des recours, raconte-t-il. Quant au maire [Jean Héliès, premier adjoint de 2001 à 2014, puis maire de 2014 à 2020 – ndlr], il n’est jamais venu me saluer. Durant mes précédentes enquêtes, j’ai pourtant toujours été accueilli par le représentant de l’autorité municipale. J’ai compris que j’avais affaire à un dossier hautement politique, le porteur de projet étant le président du Comité régional porcin, et aussi l’un des plus gros employeurs du village. »
Jean Héliès, contacté par téléphone, reconnaît n’être pas venu voir le commissaire-enquêteur. Selon lui, il n’a simplement pas « été informé par ses services des horaires de venue en mairie du commissaire ». Favorable au projet d’extension, il raconte avoir convié le sous-préfet à visiter Avel Vor, ce qui leur a permis de constater ensemble que « l’usine est très bien équipée et ne rejette rien dans la rivière ».
Alain Gérault disparaît donc du paysage des commissaires-enquêteurs bretons en 2016, tandis que l’extension d’Avel Vor est réalisée la même année.
Des jugements sans effet
Eau et rivières de Bretagne et l’association Avenir et environnement en Pays d’Iroise (AEPI) forment aussitôt un recours contre l’arrêté préfectoral d’autorisation. Elles sont rejointes par l’APPCL de Laurent Le Berre.
Le tribunal administratif de Rennes, en 2019, tranche en leur faveur. Étant donné « les omissions affectant l’étude d’impact » du dossier proposé par la SARL Avel Vor, l’arrêté du préfet est annulé. La cour d’appel de Nantes confirme ce jugement en 2021.
Le préfet Philippe Mahé accorde malgré tout une autorisation provisoire à Avel Vor, assortie de conditions dont la soumission d’une nouvelle demande d’autorisation. Une deuxième enquête publique, étape nécessaire à la régularisation de la porcherie, est donc organisée début 2022.
« Vous avez vu qui est le pétitionnaire [Philippe Bizien, ndlr] ? Il a tout de même une superficie politico-sociale importante », réagit Dominique Rémy, qui avait appelé le tribunal administratif à annuler l’arrêté, en tant que rapporteur public. « De toute façon, en matière d’ICPE agricoles [installations classées pour l’environnement – ndlr], les préfets ont du mal à rendre des avis défavorables, car derrière il y a l’économie agricole », glisse-t-il.
Le vendredi 1er avril 2022, masques sur le nez, regards tournés vers l’écran, une soixantaine de Landunvéziens sont réunis dans la salle du Triskell. Les associations environnementales, sorties victorieuses des recours administratifs, ont pris l’initiative de cette réunion. Elles déclarent craindre un avis partial du commissaire-enquêteur, Jacques Soubigou, officier de gendarmerie à la retraite, chargé de mener la seconde enquête publique.
En 2012, à l’issue de son enquête sur le projet de centre de formation du Stade brestois, il n’a pas mentionné la présence d’une espèce protégée sur le site. Quelques années plus tard, il contribue à un rapport d’enquête publique donnant un avis favorable au très contesté projet de centrale à gaz de Landivisiau, en ignorant des avis critiques. Plus récemment, Jacques Soubigou a également approuvé l’extension d’une porcherie membre du groupement de producteurs dirigé par Philippe Bizien, à Plouarzel, malgré un avis défavorable du Parc naturel marin d’Iroise.
Pourquoi a-t-il été choisi pour mener l’enquête publique sur le dossier Avel Vor ? Le magistrat Dominique Rémy explique qu’il n’y a aucune raison précise : « On a un vivier de commissaires-enquêteurs dans lequel on puise de façon aléatoire, afin que tout le monde fasse deux ou trois enquêtes par an. On prend aussi en compte la proximité géographique. »
Concernant le dossier de Jacques Soubigou, « je ne dirai pas ce que j’en ai pensé », commente-t-il, confiant toutefois vouloir faire « la chasse aux anciens gendarmes et aux anciens de la DDE [Direction départementale de l’équipement]. Ils ne sont pas assez critiques, ils ont trop de difficultés à rompre avec leur administration d’origine ». Pourtant, contrairement à Alain Gérault, Jacques Soubigou est renouvelé dans ses fonctions de commissaire-enquêteur depuis plus de 10 ans.
La dimension politique du dossier, absente
C’est le 28 mai 2022 que Jacques Soubigou remet ses conclusions sur l’extension d’Avel Vor au préfet Philippe Mahé. Son rapport montre que la fréquentation du public est allée crescendo au fil des cinq demi-journées de sa permanence. Le dernier jour, quatre personnes ont même dû être reçues simultanément. D’après les associations, d’autres ont quitté la file, « lasses d’attendre dans une ambiance tendue, debout devant le sas ».
Pourtant, Jacques Soubigou estime qu’avec 31 visites, 259 mails et une pétition de 3 298 signatures, « la population locale s’est moyennement intéressée au projet soumis à l’enquête ». Dominique Rémy, délégué aux enquêtes publiques depuis 2011 au tribunal administratif de Rennes, donne un tout autre aperçu de la réalité : « Dans la grande majorité des enquêtes publiques en Bretagne, il y a très peu d’observations du public, même pas dix par dossier. »
Le commissaire-enquêteur omet de mentionner la réunion publique du 1er avril, qui a réuni soixante personnes, ainsi que les avis déposés par deux élues. Nous avons pu vérifier que la conseillère communautaire de Pays d’Iroise Communauté, Armelle Jaouen, et la maire de Lanrivoaré, Pascale André, ont chacune signé une contribution en précisant leur fonction. La première contre la régularisation et la seconde en sa faveur. Pourtant, Jacques Soubigou indique dans ses conclusions qu’« aucun élu ou groupe politique » n’a pris part à la consultation.
Simple oubli ou volonté de minimiser la portée politique du dossier ? Contacté par téléphone, le rédacteur du rapport fait valoir son devoir de réserve et s’abstient de répondre à nos questions.
Les algues vertes, c’est les autres…
Sur le fond du dossier, la remise en cause du consensus scientifique sur l’origine agricole des marées vertes jette le trouble sur les intentions ou les connaissances du commissaire. « Les problèmes de pollution (algues vertes) qui sont constatés sur le littoral immédiat peuvent être rapprochés également des problèmes du traitement des eaux usées de l’habitant… Problème en cours de résolution, signifié par les élus », écrit-il.
Or ce discours est exactement celui tenu jusque dans les années 2010 par les services de communication du secteur agro-industriel pour semer le doute sur la responsabilité écrasante de l’élevage intensif ; discours vivement critiqué dans un rapport interministériel en 2012.
Ces propos font rire jaune Laurent Le Berre. Le président de l’APPCL souligne que la plupart des eaux de Landunvez sont traitées par une station d’épuration située à Porspoder, dont l’éventuel trop-plein ne s’écoule pas dans le bassin-versant atteignant les plages de Landunvez.
Le commissaire-enquêteur a au moins le mérite de la constance. Son commentaire laconique et peu renseigné est un copier-coller de la conclusion de son enquête sur l’extension du Gaec de Kerascot, à Plouarzel. Interrogé sur ces points par Splann, le commissaire-enquêteur n’a pas souhaité livrer son point de vue.
Les effets de cumul, l’élément clé balayé
D’autres carences pointées par l’Autorité environnementale souffrent d’un manque flagrant de réponse. Au sujet des émissions d’ammoniac, la MRAe relève en 2021 que « le risque d’effet cumulé avec les élevages voisins ne peut raisonnablement pas être évalué comme faible, contrairement à ce qui est indiqué dans le dossier [produit par l’éleveur] ».
Tout porteur de projet doit en effet prendre en compte la densité d’élevages sur son territoire. C’est une obligation prévue par le Code de l’environnement pour prévenir les dégâts éventuels sur la santé. Les retombées ammoniacales autour des bâtiments et des lieux d’épandage participent à l’eutrophisation des milieux naturels. Elles augmentent le risque de maladies respiratoires chez ceux qui les respirent.
Gaz précurseur de particules très fines (PM 2.5), l’ammoniac émis par les élevages bretons se combine aussi avec des poussières pour former des particules fines, responsables de 48 000 morts prématurées dans l’Hexagone, chaque année, selon Santé publique France.
Or la porcherie de Philippe Bizien trône au cœur d’une véritable ceinture du cochon. Landunvez et les trois communes limitrophes comptent à elles seules 22 élevages pour plus de 56 000 animaux équivalents, au sein d’un territoire, le Finistère, dont la concentration d’élevages porcins est l’une des plus importantes d’Europe.
Un état de fait préoccupant balayé en trois lignes par Jacques Soubigou. « Il n’y a pas de projet en cours dans le rayon d’affichage, écrit le commissaire-enquêteur. Le projet […] n’a pas d’impact cumulé avec d’autres projets et les éléments nécessaires à déterminer d’éventuels effets cumulés avec les élevages environnants déjà existants ne sont pas communiqués ou communicables… »
Une affirmation étonnante puisque les émissions d’ammoniac déclarées par les grands élevages de porcs sont en accès libre sur Internet, comme l’avait montré l’enquête de Splann publiée en juin 2021. Impossible d’obtenir des explications auprès de Jacques Soubigou, qui, par téléphone, nous a simplement dit : « Écrivez ce que vous voulez », avant de raccrocher.
Finalement, le commissaire émet une réserve. Il demande le rehaussement d’un talus, afin d’éviter tout risque d’accident en cas d’écoulement des cuves à lisier. Travaux que le porteur de projet s’est engagé à réaliser « au plus tard avant la fin de l’année 2022 ».
Déni de démocratie environnementale
Malgré ces différents biais, l’avis favorable de Jacques Soubigou prépare le terrain à la régularisation du projet.
Avant d’atterrir sur le bureau du préfet du Finistère, le dossier sera prochainement présenté dans une instance peu connue : le Coderst (comité départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques). Il comprend 26 membres, dont sept représentants des services de l’État, trois représentants des filières concernées (on y trouve par exemple Dominique Ciccone, dirigeants de filiales du géant de l’agro-alimentaire Eureden), cinq élus, et seulement trois associations.
Parmi les élus, Splann a pu constater qu’au moins la moitié travaillait pour le secteur agro-industriel. Gilles Mounier, vice-président du conseil départemental du Finistère, était cadre à Evel’Up (poste qu’il a quitté récemment), la coopérative porcine présidée par Philippe Bizien. Sa déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) nous apprend en outre que son épouse y est aujourd’hui salariée, chargée de la communication. Son remplaçant n’est autre que le maire de Landunvez, Christophe Colin, lui aussi cadre de l’agroalimentaire chez Tromelin Nutrition. Enfin, Marie-Christine Lainez est conseillère départementale et gérante d’exploitation porcine sur la commune de Plourin, limitrophe de Landunvez.
Avec un tel casting, peu de doutes subsistent sur le vote favorable du Coderst au projet d’extension d’Avel Vor, qui ouvrira la voie au sésame délivré par le préfet. Ultime étape achevant de mettre en évidence l’impuissance des contre-pouvoirs légaux et de la démocratie environnementale locale dans ce dossier. La justice condamne, l’enquête publique est fallacieuse, mais la préfecture peut malgré tout régulariser.
« C’est un parcours kafkaïen pour les défenseurs de l’environnement », se désole le juriste Brieuc Le Roch, qui se prépare à déposer un nouveau recours en cas de régularisation au nom d’Eau et rivières de Bretagne. Même s’il sait qu’en cas de jugement en faveur des associations, rien n’empêchera le préfet de prendre un énième arrêté préfectoral d’autorisation.
Le cas de Landunvez ne paraît pas isolé, comme le montre notre carte interactive, pourtant loin d’être exhaustive. Bien d’autres grands projets agricoles et agroalimentaires finissent par obtenir les autorisations nécessaires, en dépit d’enquêtes bâclées, d’avis défavorables et même d’annulations devant les tribunaux.
Aux yeux d’Antoine Gatet, enseignant-chercheur en droit de l’environnement à l’université de Limoges et vice-président de l’ONG France Nature Environnement, si des projets biocides ou climaticides ont pu être définitivement annulés, c’est uniquement quand, en parallèle des recours formés par des associations, des citoyens se mobilisent, signent des pétitions, organisent des réunions publiques, voire entravent les travaux.
« Les recours en justice sont importants car ils légitiment le combat du côté de la légalité, mais la mobilisation est décisive, appuie l’universitaire. Les projets ne se font pas quand les banques ne suivent plus le porteur de projet. Cela arrive quand les travaux sont ralentis, et qu’il risque de ne pas pouvoir lancer son plan d’exploitation comme prévu. Il faut un croisement des luttes. La lutte juridique n’est complète que si, localement, il y a un engagement des populations, et qu’elles disent “on ne laissera pas faire”. »
Kristen Falc’hon et Inès Léraud (Splann !) mediapart