Sophie Binet a bien raison de baptiser Bruno Le Maire de « Bruno Thatcher ».
Le gouvernement cherche à « casser l’Etat social ». Ah, ce déficit ! Le ministre des Finances tient bien la barre. Mais il manque une campagne unitaire des gauches associatives, syndicales, politiques contre les choix de société inégalitaire des droites et extrême droite.
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Comprend qui peut !
Le Premier Ministre a lancé un mot rarement utilisé : « désmicardiser ». Sa définition est explicite : faire en sorte que le SMIC ne soit pas constamment la référence, diminuer la proportion d’employés qui sont payés au SMIC.
Il prétend mener une politique qui pousse les employeurs à augmenter les plus bas salaires… C’est en attendant de mettre en cause les revalorisations automatiques du SMIC qui rattrape les salaires immédiatement au-dessus ?
Il prétend, dit-il, à l’équilibre à long terme de notre modèle social qui doit être « davantage tourné vers l’activité que vers l’inactivité ». D’où une réforme réduisant encore les ressources des chômeurs/ses et précaires. Et, tous azimuts, cette première décision : décider par décret de l’annulation de 10 milliards d’euros de crédits budgétaires.
Bref, le gouvernement patauge mais en dit long, au passage : « si tous les chômeurs/ses acceptaient de travailler comme les Français de classe moyenne qui travaillent et qui se disent “je fais beaucoup d’efforts, je finance par mon travail un modèle qui permet parfois à certains de ne pas travailler. Or, si on travaillait tous, on n’aurait pas d’effort supplémentaire à me demander” ».
Il s’agit de diviser, afin de maintenir « la promesse d’une baisse de la fiscalité de 2 milliards d’euros pour les classes moyennes ». Le Monde, qui n’est pas le journal des syndicats, a critiqué le 29 mars un éditorial : Le lourd tribut imposé aux chômeurs. Une convergence notable avec la déclaration de Denis Gravouil, de la CGT : En quoi les chômeurs ont-ils joué un rôle dans la hausse du déficit que l’exécutif a été incapable de prévoir ? C’est la politique économique du gouvernement qui est en échec. » (Humanité, 28 mars) [Voir un extrait : encadré n°1].
Ajoutons que le gouvernement a invité les partenaires sociaux à négocier un accord pour augmenter le taux d’emploi des seniors. Et des sphères gouvernementales se demandent s’il ne faudrait pas, de nouveau, une réforme des retraites.
Sophie Binet a bien raison de baptiser Bruno Le Maire de « Bruno Thatcher »[1] Le gouvernement cherche à « casser l’Etat social ».
Ah, ce déficit ! Le ministre des Finances tient bien la barre.
Le rapporteur du Budget au Sénat, Jean-François Husson (LR), donne l’assaut : « le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire est discrédité et décrédibilisé, sa responsabilité est engagée ». « C’est un effondrement de l’autorité de la France en Europe » (La Tribune, 26 mars). Les groupes de députés de droite vont s’agiter. Jusqu’où ?
Quelques semaines avant l’élection européenne puis les J.O. On aurait plutôt tendance à penser « des mots ! des mots ! » Au passage, on voit défiler tous les dossiers : une réduction des crédits de la culture, un renvoi de beaucoup de tâches aux collectivités locales, une réduction des dépenses liées aux soins remboursés à 100%[2], …
S’opposer, refuser, proposer. Cette démarche suppose de rétablir aussi un débat à l’Assemblée nationale ; et on sait qu’il n’aura pas vraiment lieu sous peu. Sauf si le gouvernement devait démissionner avant l’été… Nous pouvons clarifier les enjeux et les possibilités. A tout renvoyer « au budget 2025 » le premier ministre donne un rendez-vous pour les revendications convergentes, complémentaires, à l’automne. Ce serait un dirigeant de droite qui nous affirme « l’automne sera chaud ! ».
D’ores et déjà, il a ravivé l’unité intersyndicale sur une question brûlante : « il faut cesser la stigmatisation populiste des chômeurs »[3]. Un sondage récent devant un nouveau durcissement de l’assurance-chômage conforte leur prise de position[4]. [voir encadré ° 2]
Les refus ne suffiront pas pour intimider des « aristos de la Haute finance ». Des adhésions renforcent les syndicats et une intersyndicale se maintient.
Manque encore une campagne unitaire des gauches associatives, syndicales, politiques contre les choix de société inégalitaire des droites et extrême droite.
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[1] – Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT : « Le projet de réforme de l’assurance-chômage est d’une injustice totale »
(Entretien au « Monde »,3 avril), que le gouvernement cherche à « casser l’Etat social ».
[2] – Budget : la piste inflammable des affections longue durée », Le Monde, 17-18 mars.
[3] – « Il faut cesser la stigmatisation populiste des chômeurs » signé par les Secrétaires généraux de la CGT, de la CFDT, de FO et par les Présidents de la CFTC et de la CFE-CGC, Le Monde, 19 mars
[4] – Selon un sondage Elabe pour « Les Echos » et l’Institut Montaigne, Le projet de réforme de l’assurance-chômage annoncé par Gabriel Attal ne suscite l’adhésion que d’une courte majorité des Français, En revanche, la taxation des plus aisés et des superprofits remporte une large adhésion, y compris dans l’électorat macroniste. Les Echos, le 4 avr. 2024
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Encart n°1
Jusqu’en 2021, les premières victimes des réformes de l’assurance-chômage étaient les travailleurs précaires, et notamment les jeunes qui mettent des années à trouver un emploi stable après leurs études. Depuis, on voit que le gouvernement s’en prend à de nouvelles cibles. Depuis le 1er février 2023, la durée maximale d’indemnisation a été réduite par décret de 25 % : les plus touchés sont les seniors, qui se retrouvent souvent à Pôle emploi après avoir perdu leur poste en CDI. S’il y a des difficultés dans certains secteurs, comme les hôtels-cafés-restaurants, c’est lié aux conditions de rémunération. Prenons le cas des saisonniers : quand vous proposez à un travailleur de venir bosser au Smic dans une station balnéaire, et qu’il sait qu’il dépensera l’équivalent de son salaire en transport et logement sur place, comment voulez-vous qu’il accepte ?
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Encart n°2
Les Français partagés sur un nouveau durcissement de l’assurance-chômage
Les Français sont en réalité divisés sur la question, la réforme ne récoltant qu’un soutien mitigé de 52 % d’entre eux (…) et encore moins dans les classes populaires les professions intermédiaires, les ouvriers et les employés sont contre à 54 % Pour résoudre notre problème d’endettement, les Français croient plus volontiers dans la nécessité de faire contribuer les plus aisés ou les entreprises qui en ont les moyens », souligne Vincent Thibault, directeur conseil opinion chez Elabe. Plus significatif encore, l’électorat de la majorité adhère à ces propositions dans les mêmes proportions (à respectivement 90 % et 71 %), alors que le gouvernement répète pourtant depuis des semaines y être opposé.
(Selon un sondage Elabe pour « Les Echos » et l’Institut Montaigne, Les Echos, le 4 avr. 2024
Pierre Cours-Salies ; abonné de Mediapart
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