Pourquoi le journaliste Patrick Cohen est-il pro-pesticides ?

Je n’aime pas le journaliste Patrick Cohen

Je ne le déteste pas, je ne l’aime pas. En septembre 2019, je suis passé dans une émission de télé apparemment très populaire, « C à vous ». Apparemment, car je n’ai pas la télé. Cohen en est un des chroniqueurs attitrés. Je venais parler de mon dernier livre, Le crime est presque parfait , dans lequel je décrivais les dangers d’une nouvelle classe de pesticides, les SDHI. Mon travail était appuyé, pour ne pas dire validé par des travaux scientifiques de haute volée, notamment ceux de Pierre Rustin, chercheur de renommée internationale.

Le principe de ces émissions de promotion est immuable. On vient vendre sa petite marchandise, un(e) journaliste pose des questions plus ou moins avisées, et l’on rentre à la maison. J’exècre cet exercice, depuis toujours. Mais ce jour-là fut différent, car l’on m’avait tendu un guet-apens. Cohen, en tout cas, qui est je le rappelle concentré à 100% – disons 99% – sur la politique politicienne. Il a l’air d’aimer cela.

Je commençai à parler de mon livre et c’est alors que, lisant des pages devant lui, il m’attaqua de front. Si cela avait porté sur mon travail, j’en aurais été satisfait. Très. Car j’aime le débat et même la polémique. Mais tel n’était pas le cas. Cohen n’avait bien entendu rien lu de mon livre, dont il n’a que faire. Il cherchait à me discréditer. À me disqualifier. Et il parla des pesticides en général, qui selon lui, n’étaient nullement un danger. Il défendait le glyphosate, les néonicotinoïdes, estimant que les paysans seraient morts depuis longtemps s’ils étaient aussi dangereux que le prétendent les écologistes de mon espèce.

J’en fus déstabilisé. Pour la raison de fond qu’un plateau télé, en direct, est un dispositif scénique sur lequel un invité comme moi n’a aucune prise. Les chroniqueurs maîtrisent le temps comme l’espace, et en la circonstance, j’étais obligé de répondre en accusé à des « infos » – le guillemet s’impose – que lisait doctement Cohen, l’un des rois de l’émission. D’où venaient-elles ? Quelles étaient-elles ? Je n’en savais rien. J’avais droit à une petite poignée de minutes dont j’avais déjà épuisé l’essentiel, et il m’aurait fallu une demi-heure pour démonter la pauvre argumentation de mon assaillant. Car elle était consternante, bien sûr. Que sait un Cohen d’un sujet que je suis avec constance depuis près de trente ans ? Auquel j’ai consacré plusieurs livres ? Il en sait si peu que cela l’intéresse moins que la coupe de cheveux du nouveau Premier ministre. Alors ?

La situation était si inhabituelle que la présentatrice de l’émission, la très connue Anne-Cécile Lemoine, a couru derrière moi alors que j’avais déjà quitté le studio. Elle avait l’air mal. Elle s’est excusée pour ce qui venait de se passer, et comme je la sentais sincère, j’ai préféré laisser tomber. Je lui ai dit que cela n’avait pas d’importance. D’un côté, c’est vrai, l’incident était dérisoire. Mais de l’autre, il signifiait bel et bien quelque chose.

Pour finir, je vais faire très attention, car la loi sur la diffamation l’exige. Et c’est d’ailleurs très bien à mes yeux. Vous lirez ci-dessous un article dérobé au journal Le Monde de ce jour. Je le sais, ça ne se fait pas, et le plus généralement, je ne le fais pas. Si je fais exception, c’est parce qu’il décrit avec force détails un système mondial de désinformation au profit de l’industrie des pesticides. Mondial, donc français. Vous verrez, si vous lisez, l’ampleur stupéfiante des manipulations. Des journalistes acceptent, consciemment ou pas, de relayer la pure propagande de l’agrochimie. Avec un peu d’habitude, il n’est pas si difficile de retrouver les traces de cette opération géante dans le champ public, en France ou ailleurs.

Patrick Cohen en est-il ? Je n’en sais strictement rien, et c’est sincère. Je ne veux pas même insinuer que c’est le cas. Je crois même qu’il peut être sincère, comme ces crétins de climatosceptiques qui, depuis des décennies, adorent montrer leur indépendance d’esprit en enfourchant les billevesées de l’industrie pétrolière. Que ne ferait-on pour se faire remarquer ?

Oui, Cohen est peut-être sincère. Et oui, peut-être n’a-t-il rien à voir avec cette si sombre affaire. Le fait est, en tout cas, qu’il reprend des « arguments » industriels mille fois controuvés. Qui lui fournit les fiches qu’il utilise si complaisamment à l’antenne ?

Et je me pose les mêmes questions au sujet d’au moins deux journalistes. L’une qui travaille dans un quotidien, l’autre dans un hebdomadaire qui a longtemps laissé Claude Allègre y déverser ses impostures climatiques. Derechef, elles sont peut-être sincères. Derechef, qui fournit le matériau ?

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