Inondations

Nous payons les héritages de décennies d’incurie

Les inondations de Valence ont déchaîné les climatosceptiques. Les mêmes qui s’opposaient aux restrictions d’urbanisation en zone inondable et au zéro artificialisation nette s’improvisent anti-« béton » pour nier l’impact du changement climatique au nom du « bon sens ». Mais depuis 40 ans, l’exposition et la vulnérabilité ont augmenté et les catastrophes se succèdent. Nous le résultat de 30 ans d’inaction climatique.

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Les inondations de Valence ont déchaîné les climatosceptiques.

Les mêmes qui s’opposaient aux restrictions d’urbanisation en zone inondable et au zéro artificialisation nette s’improvisent anti-« béton » pour nier l’impact du changement climatique au nom du « bon sens ».

La catastrophe résulte toujours de la conjugaison de 3 éléments :

  • Un phénomène physique, l’aléa (ici submersion)
  • Des personnes et des biens exposés
  • Des facteurs individuels ou collectifs, conjoncturels ou structurels, qui rendent vulnérable au choc avant et pendant la crise. 

La submersion (inondation) résulte elle-même d’une combinaison de mécanismes : l’eau peut venir du ciel (précipitations), des nappes phréatiques, de la mer, d’un cours d’eau lui-même alimenté par la pluie, la fonte des neiges ou de la rupture d’un barrage.

Hors submersion marine, une inondation est étroitement liée au ruissellement. En effet, lorsqu’il pleut, l’eau s’infiltre dans le sol. La partie qui n’est pas absorbée ruisselle et va rejoindre les cours d’eau qui vont l’évacuer vers la mer.

Plusieurs facteurs peuvent naturellement limiter l’infiltration :

  • Le gel
  • Un sol très sec ou au contraire détrempé
  • Un sol sans végétation (rôle des racines)
  • Un sol naturellement imperméable (argileux par exemple)

Voir cet article.

L’homme peut aussi imperméabiliser artificiellement les sols :

  • bitumes, béton, toitures (y compris les serres), etc.
  • manière de travailler le sol agricole
  • déboisement des versants
  • busage des drains d’évacuation
  • modification de la pente des versants 

Le ruissellement crée des écoulements de surface qui sont aussi modifiés par les aménagements (remblais pour des routes ou voies ferrées, etc). De plus, les cours d’eaux sont endigués, creusés, rectifiés, détournés, etc. avec un impact sur la vitesse et la hauteur d’eau. 

Dans les espaces urbanisés, l’eau de pluie est récupérée par des réseaux d’eaux pluviale pour éviter l’inondation des chaussées. En cas de forte pluie ou d’inondation des chaussées, ce réseau est insuffisant. Et devient lui-même un facteur d’inondation.

En ville, d’autres réseaux souterrains (eau potable, tunnels, etc.) forment un réseau hydrographique artificiel. En cas d’inondation à la surface, ils se remplissent d’eau, débordent à leur tour et inondent la ville.

L’interruption de ces réseaux dits « critiques » paralyse en outre la gestion de crise. Ils peuvent être un facteur de crise dans la crise. On a alors des aléas en cascade, avec des effets dominos, qui sont très redoutés par les gestionnaires.

Par définition, l’urbanisation concentre les Hommes, les activités, les infrastructures. Elle accroît donc AUSSI l’exposition. La manière dont on construit la ville peut limiter l’imperméabilisation (impact sur le ruissellement), pas l’exposition.

L’exposition n’est pas un problème en soi si l’on agit sur la vulnérabilité : système de prévision et d’alerte, adaptation du bâti, utilisation de matériaux résistants, forme des bâtiments et morphologie de la ville, gestion de crise performante, évacuation, etc. 

Dans le cas d’épisodes méditerranéens, la vitesse et la part d’incertitude font que l’évacuation des populations est impossible et que la prévision a des limites. Il faut donc réduire l’exposition là où la vitesse et la hauteur d’eau sont fortes.

Depuis des décennies, l’occupation des sols dans le bassin méditerranéen s’est concentrée dans des zones inondables. Depuis des décennies, les scientifiques alertent sur sur l’impact des activités humaines sur le ruissellement.

En France, depuis des décennies, certains « responsables » politiques ont tout fait pour assouplir les zonages des plans de prévention des risques. Cela a même été fait en toute légalité, malgré les combats des associations « écolo ».

Alors oui, les épisodes méditerranéens ont toujours existé et oui, les sociétés du passé avaient su s’y adapter en construisant en hauteur notamment, au prix de lourdes pertes. 

Depuis 40 ans, l’exposition et la vulnérabilité ont augmenté et depuis 40 ans, les catastrophes se succèdent. Nous payons les héritages de décennies d’incurie. Et nous payons aussi le résultat de 30 ans d’inaction climatique.

Car le changement climatique dope ces épisodes orageux. Et plus d’eau précipitée, c’est plus d’eau à évacuer. Quels que soient les plans d’adaptation, tant que la Terre se réchauffe, nous sommes condamnés à subir de plus en plus de catastrophes.

Malgré les progrès techniques, au-delà d’un certain niveau de réchauffement, ces territoires seront inhabitables.

Seule l’atténuation, avec l’atteinte du net zéro émissions de CO2 stabilisera le réchauffement et permettra l’adaptation.

Magali Reghezza ; Géographe. Environnement, risques et catastrophes, résilience et adaptation. Abonnée de Mediapart

Pour en savoir beaucoup plus :

https://blogs.mediapart.fr/magali-reghezza/blog/311024/inondation