Il est question des élucubrations de Finkelkraut sur Gaza
Sur la bien douteuse réfutation de l’usage du mot « génocide » pour qualifier la guerre à Gaza
Dans Le Figaro, Alain Finkielkraut considère que le mot de « génocide », à propos de Gaza, « permet de nazifier les Juifs, de leur faire perdre leur crédit victimaire ». Une allégation qui n’est pas sans rappeler les idées nauséabondes des antisémites et négationnistes.
L’autre jour, Alain Finkielkraut était encore une fois l’invité du Figaro, où cet éditocrate dispose, comme dans la plupart des rédactions réactionnaires, d’un rond de serviette à son nom – sponsorisé notamment par les aides publiques à la presse dont le journal du groupe Dassault est nanti tous les ans à hauteur de plusieurs millions d’euros.
Profitant de l’aubaine, et de la nouvelle tribune qui lui était ainsi offerte, « Finkie », après avoir (une fois encore) déclamé (pour la plus grande satisfaction de ses hôtes, qui l’ont laissé dire) que La France insoumise était « un parti antisémite », a fait cette déclaration, relative aux dénonciations de l’immense tuerie perpétrée par Israël à Gaza – tuerie dont nombre d’observateurs et observatrices compétent·es jugent qu’elle constitue un génocide :
« Quoi qu’on pense de la riposte israélienne, le mot de génocide est fou, ignoble. Il permet de nazifier les Juifs, de leur faire perdre leur crédit victimaire et ainsi les faire basculer dans le camp des bourreaux. »
La place manque, ici, pour une longue exégèse de ce magnifique échantillon de la pensée finkielkrautique, mais disons, pour résumer, que rien ne va, dans cette profération qui suggère donc, pour commencer, que toutes les « pensées » sur l’extermination des Gazaoui·es [1] se vaudraient – alors qu’en fait, non : en fait, l’opinion écœurante selon laquelle la décimation systématique de dizaines de milliers de civil·es (dont une majorité de femmes et d’enfants) serait acceptable ou justifiable ne vaut évidemment pas l’avis autorisé selon lequel un tel crime contre l’humanité n’est jamais tolérable.
Rien ne va, parce que, dans la vraie vie, c’est Finkielkraut, qui, sachant parfaitement que ces calomnies convoquent de fait la sinistre mémoire de la Shoah, lance régulièrement desaccusations d’antisémitisme contre La France insoumise – et qui, par conséquent, cherche, toute honte bue, à « nazifier » la gauche qui ose dire haut et fort sa compassion et son empathie pour les Palestinien·nes massacré·es.
Rien ne va, parce que, contrairement à ce que suggère notre éditocrate, « le mot de génocide », loin de ne renvoyer qu’aux atrocités perpétrées par les nazis, répond à une définition juridique précise – qui correspond hélas aux agissements de l’armée israélienne à Gaza.
Rien ne va, enfin et surtout, parce que l’abominable expression « crédit victimaire », à laquelle les journalistes du Figaro qui boivent littéralement l’indécent bavardage de leur hôte s’abstiennent de réagir [2], fait écho aux saloperies antisémites et négationnistes des ordures néonazi·es qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, prétendent que « les Juifs »abuseraient de la Shoah pour se victimiser – et qui doivent festoyer quand ces immondes allégations trouvent soudain la résonance d’une vilenie éditocratique.
Cet article a été initialement publié dans Politis.
Notes
[1] Très complaisamment présentée comme une simple « riposte », dont la responsabilité incomberait donc d’abord à ses victimes.
[2] Il est bien sûr permis de se demander ce que leur silence dit ici de leur imaginaire.