Où en est la procédure ?
POURQUOI CERTAINS RECLAMENT UNE NOUVELLE CAMPAGNE DE DEPISTAGE DU CADMIUM
L’avocat des riverains, David Deharbe (au centre), n’imagine pas que le Conseil d’État puisse aller dans le sens inverse de la décision historique de la cour administrative d’appel de Douai.
Après des années de procédure contentieuse, la cour administrative d’appel de Douai a rendu en mai dernier 51 arrêts historiques dans lesquels elle reconnaît la réalité de ce préjudice. Depuis ? L’État s’est pourvu en cassation, écœurant les habitants touchés par la pollution.
Bruno Adolphi, lors de l’assemblée générale de l’association PIGE le 29 novembre, a interpellé avec vigueur la ministre de la Transition écologique, Agnès-Pannier Runacher (1) : « Qu’attendez-vous pour confirmer vos affirmations de ne pas remettre en cause les indemnisations octroyées aux 51 requérants, nous attendons une réponse écrite concernant les déblocages de ces indemnisations ? »
Pour maître David Deharbe, l’avocat de l’association, les sommes en question, dont le montant total est chiffré à 1,2 million d’euros, « sont au chaud, placées sur des comptes sécurisés. Vous pouvez les réclamer mais en prenant un risque très important en cas d’annulation ». Il n’en dira pas davantage. Son regard, aujourd’hui, est tourné vers la décision du Conseil d’État. Et il veut y croire. « La haute juridiction a une certaine faveur pour les causes environnementales », pense-t-il.
S’il n’existe pas de calendrier de la procédure, « la décision peut tomber en janvier comme en mars mais je pense que ça n’ira pas au-delà de mars », prédit l’avocat qui a pris une forme d’engagement personnel, à la faveur de cette décision tant attendue : « Si le Conseil d’État ne va pas au bout de cette affaire, je démissionnerai du barreau. Je considérerai que je n’aurai plus rien à faire devant les instances administratives supérieures de ce pays. »
(1) Dans un entretien à « La Voix du Nord », Agnès Pannier-Runacher indiquait qu’elle n’irait pas à l’encontre de la décision de l’État de se pourvoir en cassation dans ce dossier pour éviter que l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Douai ne fasse jurisprudence.
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Metaleurop : une nouvelle campagne de dépistage du cadmium ?
En 2022, une campagne de dépistage au cadmium, métal lourd, avait été engagée à Évin-Malmaison. Les proches du dossier Métaleurop en réclament une nouvelle, sans délai. PHOTO ARCHIVES BAZIZ CHIBANE
À la lumière d’une nouvelle étude scientifique, l’association Pour l’intérêt général des Évinois (PIGE) réclame la mise en place d’une campagne de dépistage systématique pour le cadmium, notamment en direction des enfants, mais également pour les adultes résidant dans les 650 hectares pollués par l’usine Metaleurop, fermée en 2003.
Pourquoi réclamer un nouveau dépistage ? La demande a ressurgi à la faveur d’une recommandation publiée en juillet 2024 par la Haute autorité de santé (HAS). Laquelle cible précisément la prise en charge et le suivi des personnes potentiellement surexposées au cadmium du fait de leur lieu de résidence. L’exposition au cadmium est susceptible d’entraîner des effets sur le foie, le sang et le système immunitaire (1) .
Ainsi, selon les termes de cette recommandation, quand la concentration de cadmium dans les 30-50 premiers centimètres du sol atteint ou dépasse 1 mg/kg de matière sèche, il est recommandé de mettre en œuvre un dépistage biométrologique des surexpositions individuelles au cadmium, ciblé sur « les autoconsommateurs de végétaux », « les enfants de moins de 7 ans, en particulier ceux qui résident dans des maisons individuelles avec jardin ou qui fréquentent des aires de jeux ou de loisirs, où le sol est accessible », entre autres.
« On le doit aux générations futures »
« On va encore prendre le risque d’avoir quatre, cinq, peut-être dix gamins atteints de saturnisme ! s’emporte David Deharbe, avocat spécialiste en droit de l’environnement et conseil de l’association PIGE. Ce combat, on le doit aux générations futures. »
Des élus sont montés au créneau sur le sujet et interpellent l’État, dont Christophe Pilch, le président (PS) de l’agglomération d’Hénin-Carvin, qui, sur sa page Facebook, a réclamé un dépistage : « L’inaction n’est plus acceptable au vu du préjudice encouru par nos habitants, l’État doit prendre ses responsabilités ! »
Dans un courrier adressé au préfet du Pas-de-Calais Jacques Billant, l’avocat de l’association PIGE va même plus loin : « Il n’est plus acceptable de laisser la responsabilité du dépistage uniquement aux médecins généralistes et aux habitants eux-mêmes, les premiers fermant les yeux, les seconds étant tout simplement ignorants de leur situation. »
Une campagne en 2022
Sollicitée par nos soins, la préfecture du Pas-de-Calais ne nous a pas encore répondu sur le sujet. Pas plus qu’elle n’a répondu à l’association et aux élus l’ayant interpellée.
Pour mémoire, en juin 2022, soit dix ans après la dernière campagne de dépistage du saturnisme, une campagne avait eu lieu, conséquence des révélations chocs du journaliste Martin Boudot dans le cadre de son enquête sur la pollution au plomb.
(1) Des études scientifiques contemporaines ont abaissé le seuil critique à 0,50 µg (microgramme) de cadmium par gramme de créatinine pour les atteintes osseuses, alors qu’il était précédemment de 1 µg pour les maladies rénales.
On va encore prendre le risque d’avoir quatre, cinq, peut-être dix gamins atteints de saturnisme! ”