Premier succès d’un fermier péruvien
La justice allemande a accepté lundi de se pencher en détails sur la plainte d’un fermier péruvien qui demande au géant allemand de l’énergie RWE de réparer les dégâts causés par le changement climatique dans les Andes.
C’est une première petite victoire pour cette démarche, soutenue par l’ONG allemande Germanwatch, qui vise à obtenir une décision de « justice climatique mondiale », un concept politique qui obligerait un « Nord » polluant à dédommager les pays du « Sud » affectés.
Après une première audience orale au civil et en appel lundi après-midi, le tribunal de Hamm (nord) a jugé en l’état « concluante » la teneur de la plainte du paysan péruvien.
Il a demandé aux deux parties de lui fournir des arguments complémentaires d’ici au 30 novembre, date à laquelle les juges devraient se prononcer définitivement sur la recevabilité de la plainte et indiquer s’ils comptent poursuivre la procédure.
– ‘Page d’histoire’ –
Pour Germanwatch, le tribunal « a écrit une page d’histoire » en matière de droit environnemental en permettant à l’affaire d' »entrer dans la phase suivante » de la procédure.
« Il a assez clairement laissé entendre que les gros émetteurs comme RWE avaient fondamentalement l’obligation d’aider les victimes du changement climatiques dans les pays pauvres », a-t-elle dit dans un communiqué.
Réagissant ultérieurement, le groupe RWE a réaffirmé que selon lui, cette plainte n’était « pas recevable » et même qu’elle était « injustifiée » car il n’est « pas possible d’imputer juridiquement à un émetteur particulier des conséquences spécifiques d’un changement climatique ».
En première instance en 2016, RWE avait en effet eu gain de cause immédiatement: le tribunal avait alors jugé la plainte irrecevable d’emblée, estimant que la responsabilité directe du groupe allemand ne pouvait être mise en cause.
Il s’agit donc d’un premier succès pour le plaignant mais qui n’augure en rien de la décision finale qui sera prise par la justice allemande une fois examiné le dossier au fond. Elle peut très bien rendre la même décision qu’en première instance.
L’agriculteur et guide de haute montagne est le témoin privilégié de la détérioration de ce qu’il considère comme « ses » glaciers andins, le détachement spectaculaire de grands blocs de glace formant de nouvelles lagunes qui menacent d’engloutir Huaraz, la localité où il habite.
Saul Luciano Lliuya a choisi de se lancer dans un combat à la David contre Goliath, et de livrer bataille devant la justice allemande contre l’un des géants mondiaux de l’énergie.
Le Péruvien a donc déposé plainte en 2015 contre RWE, justifiant son choix par le fait que le groupe est l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre de la planète, bien qu’il n’ait aucune centrale au Pérou.
– Montée des eaux –
« Nous espérons gagner mais nous savons bien que même en cas de victoire cela n’arrêtera pas le changement climatique, cela peut simplement aider pour l’avenir (…) je veux pouvoir retourner dans ma montagne et dire aux gens que j’ai fait quelque chose pour eux », a déclaré à la presse avant l’audience M. Lliuya.
Ce père de deux enfants réclame le financement par RWE d’une partie des travaux de sécurisation contre les risques d’inondation de la communauté de Huaraz, capitale de la province de Ancash dans le nord du Pérou où il réside.
Il veut aussi le remboursement des 6.300 euros de travaux effectués pour protéger sa maison contre la montée des eaux.
« Pour moi, la victoire c’est déjà de pouvoir être ici au tribunal et de parler de notre démarche, ce que nous n’avons pas pu faire jusqu’à présent », a déclaré l’avocate du plaignant, Roda Verheyen qui réfute l’accusation d’avoir fait de RWE un bouc-émissaire symbolique pour les maux de la planète.
L’audience intervient en pleine COP23, ces négociations climatiques organisées en Allemagne également, à Bonn, pour avancer dans la mise en œuvre de l’accord de Paris.
Selon les premiers rapports d’experts présentés, les émissions liées à l’industrie et à la combustion d’énergies fossiles devraient croître d’environ 2% (entre 0,8 et 2,9%) cette année par rapport à 2016 et atteindre un niveau record.
Cette pollution accrue éloigne la promesse des Etats signataires de l’accord de Paris de garder le réchauffement planétaire sous 2°C, voire 1,5°C.