Aux environs de 2030 !
Telle était déjà la prévision du rapport Meadows, « Halte à la croissance » ou rapport du club de Rome de 1972.
« La population mondiale comptait environ 7,3 milliards d’habitants en 2015. Elle a été multipliée par sept au cours des deux derniers siècles ». Les prévisions classiques des démographes de l’INED considèrent que la population mondiale « devrait continuer à croître jusqu’à atteindre peut-être 11 milliards à la fin du XXIe siècle ». Cependant, l’INED et l’ONU ne prennent pas suffisamment en compte de paramètres, tels la baisse des ressources non renouvelables ou le réchauffement climatique. A l’inverse du modèle de Meadows qui montre que la démographie n’atteindra jamais 11 milliards, mais seulement 7,8 milliards, car sa croissance cessera en 2030. À partir de cette année-là, la démographie mondiale diminuera fortement pour s’écrouler en 2100 à seulement 4,43 milliards d’habitants, c’est-à-dire au niveau de l’année 1980. Il y aurait donc une hécatombe de la population mondiale, avec 3,3 milliards d’humains qui mourraient prioritairement par manque de nourriture entre 2030 et 2100, soit près de 43% de la population ! A partir du modèle World3 « buisness as usual » Turner estime que « la population mondiale se situera à environ 7,8 milliards en 2030 et qu’à partir de la « elle s’écroulera d’environ un demi-milliard par décennie jusqu’en 2100. Mais cela peut continuer ensuite…
Dans la quête de la prévision la plus précise, le statisticien Paul Chefurka aboutit à des conclusions plus radicales encore. Il s’appuie notamment les relations entre la croissance de la production d’énergie nécessaire à la croissance de la production de biens et services, dont la nourriture. Ces deux facteurs ont permis de nourrir et de soigner l’humanité et donc lui ont permis de croître rapidement depuis le développement de l’ère industrielle. Cependant, les ressources non renouvelables en énergie (pétrole, gaz, uranium, charbon, métaux…), vont décliner rapidement d’ici 40 à 80 ans. C’est pourquoi, Chefurka estime que compte tenu de la décroissance involontaire de la production de l’énergie, des moyens de production, et de plusieurs autres facteurs, tels que « le changement climatique (par exemple les sécheresses, les inondations, les situations météorologiques extrêmes), la perte de fertilité des sols, la perte d’approvisionnement en eau potable, la mort des océans, la pollution chimique de la terre et des eaux, la perte de facteurs de production », cela engendrera une baisse de la production agricole drastique, qui ne permettra pas de nourrir toute l’humanité. Il en conclut que « dans ces conditions la population mondiale augmenterait jusqu’à 7,5 milliards en 2025 avant de diminuer inexorablement vers 1,8 milliard en 2100 ». Il est donc approximativement au même niveau de prévision de la croissance démographie maximum que Meadows (1972) et Turner (2014), qui prévoit un maximum à 7,8 milliards. Mais il est beaucoup plus pessimiste sur la vitesse de la chute démographique, puisqu’il estime qu’en l’espace de 75 ans, il y aurait 5,7 milliards de personnes qui mourront par la famine, soit plus de 75% de la population mondiale ! Pourtant, Paul, Chefurka ne prend pas en compte, les décès liés aux guerres que cela engendrera pour accéder aux restes des ressources et espaces agricoles.
Il prend ensuite en compte, « la capacité de charge d’un environnement, c’est-à-dire le nombre d’individus maximal, que cet environnement peut supporter de façon durable, à un niveau déterminé d’activité ». Lorsqu’il ajoute au premier modèle d’évolution de la population, le facteur de la « capacité de charge décroissante », cette fois il ne reste plus qu’un 1 milliard d’individus survivants encore en 2100… Clive Hamilton, dans son ouvrage « Requiem pour l’espèce humaine » formule des estimations semblables du fait des problèmes écologiques, dont le changement climatique. Il estime aussi qu’il ne subsistera plus qu’un milliard d’êtres humains sur terre, voire moins, d’ici 2100 ou 2200. Nous pouvons essayer de nous rassurer en considérant que ce ne sont que des statistiques relevant de la futurologie et que ce type de tentatives de prédire l’avenir à partir des évolutions du passé se sont souvent fourvoyés… Cependant, les statistiques prévisionnelles du rapport Meadows qui sont les plus « optimistes » des trois prévisions ne se sont quasiment pas trompées depuis leur création en 1972…
Mais, il y plusieurs obstacles majeurs pour parvenir à mettre en œuvre toutes ces solutions : le paradigme idéologique de la croissance économique sans fin, le besoin psychologique névrotique de pouvoir et de possession, la difficulté à se coordonner démocratiquement (ou non !) à l’échelle mondiale, puisque la majorité des Etats tend à se montrer égoïste et nationaliste. De plus, la chute de la biodiversité peut atteindre un stade irréversible et compromettre l’équilibre de l’écosystème terre. Mais le pire pour l’instant est surtout le problème du climat, avec la hausse des températures liée à l’effet de serre, qui est généré par l’émission de CO2 et de méthane. La croissance de ce dernier peut même s’emballer de manière exponentielle avec la fonte du permafrost dans lequel sont stockées de grosses quantités de méthane. En effet, une hausse trop forte de la température peut rendre la terre invivable pour les humains, à cause de la désertification, ce qui engendre l’impossibilité de produire de la nourriture en quantité suffisante. Pour que le scénario de stabilisation puisse advenir un jour, une des conditions principales suppose donc que le climat ne s’emballe pas de manière irréversible. Par conséquent, plus l’humanité perd de temps, plus le danger s’accroît. Le scénario de la stabilisation nécessite donc une gestion collective, démocratique, pacifique et rationnelle ou à l’inverse une dictature absolue ! Ce qui n’est pas souhaitable pour ceux qui défendent la liberté. Cependant, la solution démocratique suppose en plus, une véritable révolution écologique et socio-économique à laquelle les plus puissants ne sont pas véritablement disposés. Il est donc probable que les scénarios les plus pessimistes se produisent. Par contre, après la catastrophe écologique et humanitaire, tout l’effort des mouvements alternatifs réalisés en amont, pourra peut-être se révéler fructueux et permettre un virage plus une issue plus probable vers le scénario vertueux, de la décroissance solidaire, opposé aux 4 scénarios d’une récession brutale et inégalitaire et destructrice.
Alors, que faire à présent ? Doit-on rester prostré dans le désespoir en se prenant la tête dans les mains en attendant la fin ? Non, il est préférable de chercher à infléchir l’avenir et même si l’humanité échouait. Car psychologiquement, il vaut mieux disparaître et mourir, que mourir sans tenter d’agir. Pour prédire ce qui va arriver à l’humanité, nous pouvons utiliser la métaphore d’un train lancé à pleine vitesse qui arrive trop vite dans un virage bordé d’un mur. Plus le conducteur du train freine, donc plus la population fait d’effort pour décroître et infléchir la direction prise, moins le train frappe violemment le mur et plus il est alors en mesure de poursuivre sa progression, avec le moins possible de wagons perdus. C’est-à-dire avec le moins possible de destruction écologique, de décès par la famine et les guerres.
Cependant, étant donné que la futurologie climatique n’est pas une science absolument exacte, nous pouvons encore espérer qu’elle se trompe. Et puis, sait-on jamais, peut-être que l’humanité trouvera une solution miracle ? Mais quelle que soit l’issue, l’attitude la plus adaptée consiste jusqu’au dernier moment à tenter de trouver une solution, afin de sortir le mieux possible de l’impasse…
Article de Thierry BRUGVIN, paru dans le mensuel « les z’indigné(e)s ».
Pour lire l’article complet : Effondrement de la population mondiale