Rappel des faits. Autoroutes, lignes à grande vitesse, etc., tous les grands projets font l’objet d’un processus de compensation de la perte de biodiversité.
Est-ce à la hauteur des enjeux et des risques ??
Contribution de Bernard Chevassus-au-Louis, président d’Humanité et Biodiversité sur le site de l’Humanité.fr
L’efficacité écologique et la «compensation sociale»
Même si son principe était inscrit dans la loi de protection de la nature de 1976, la compensation des atteintes à l’environnement, et en particulier à la biodiversité, n’a été mise en place concrètement en France que depuis une dizaine d’années. On peut cependant, en s’appuyant également sur des expériences étrangères plus anciennes, tirer un premier bilan de ces opérations de compensation. Le premier point que nous soulignerons est qu’il existe à l’évidence des situations où l’on peut affirmer d’emblée que la compensation ne sera pas possible: c’est le cas de la destruction d’un habitat original et rare, abritant des espèces animales ou végétales protégées, mais c’est aussi le cas des habitats plus ordinaires, comme des parcelles contenant de très vieux arbres! Or, du fait de notre connaissance encore très partielle de la biodiversité de notre pays, ce constat se fait souvent lors des études d’impact d’un projet, c’est-à-dire lorsque le projet est déjà assez avancé dans sa conception. D’où des tensions inévitables entre les porteurs de ce projet et les naturalistes, comme dans l’exemple du pique-prune, cet insecte protégé dont la découverte dans la Sarthe avait bloqué pendant plusieurs années les travaux de l’autoroute A28. La conclusion à en tirer est, dans l’intérêt de tous, de renforcer les études sur la connaissance de notre biodiversité, permettant ainsi de prendre en compte beaucoup plus précocement ces éléments de biodiversité non compensables.
Notre seconde remarque est que, dans l’état actuel de nos connaissances en écologie appliquée (on parle parfois de «génie écologique»), l’incertitude sur l’efficacité des mesures de compensation envisagées est grande, sans doute beaucoup plus que celle sur la compensation d’autres atteintes à l’environnement (bruit, circulation des eaux…). Cela a deux conséquences. Le première est de tout faire pour éviter d’avoir à compenser, c’est-à-dire de bien appliquer la séquence dite ERC (d’abord éviter les atteintes à la biodiversité, puis les réduire et, enfin, compenser les atteintes résiduelles). La seconde conséquence est la nécessité de pouvoir s’assurer a posteriori non seulement de la mise en place de ces mesures de compensation, mais de leur efficacité, par un dispositif de suivi adapté. Et, surtout, d’avoir la possibilité de mettre en œuvre des mesures complémentaires si nécessaire, et cela parfois plusieurs dizaines d’années après. Cela suppose un mécanisme similaire à la notion de garantie décennale pour le bâtiment. La récente loi sur la biodiversité définit les bases de ce dispositif (en énonçant en particulier que les mesures de compensation «doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes»), mais il conviendra de vérifier sa mise en place effective.
Enfin, il nous semble souhaitable de prendre en compte, dans l’examen des mesures de compensation, non seulement leur efficacité écologique, mais ce que nous appelons la «compensation sociale», c’est-à-dire de s’assurer que ceux qui auront à pâtir d’une perte de biodiversité liée à un aménagement seront bien parmi les bénéficiaires de l’opération de compensation réalisée à ce titre. Cela pourra conduire à privilégier des opérations de compensation situées à proximité immédiate des zones impactées et portant sur la restauration de milieux profondément dégradés, plutôt que des opérations plus lointaines, éventuellement moins coûteuses, et améliorant l’état écologique de milieux encore en assez bon état. C’est ce que nous nommons la «compensation intensive». Outre sa dimension d’équité sociale, cette approche nous semble davantage capable de répondre à l’objectif de ne pas avoir de «perte nette» de biodiversité, les surfaces «artificialisées» étant compensées par des surfaces effectivement «renaturées».
Article que l’on retrouve sur :
http://www.humanite-biodiversite.fr/article-asso/peut-on-compenser-les-pertes-de-biodiversite
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