Ni dialogue, ni gilet jaune
Comment le Pouvoir a-t-il d’ores et déjà (mal-)traité le mouvement des gilets jaunes (GJ) ?
- Il a rapidement tenté de l’acheter pour un montant d’environ 10 milliards d’euros ; mais le mouvement n’était pas à vendre. Pour nous, décroissants, c’est une bonne nouvelle parce que cela signifie que même la question du pouvoir d’achat avant d’être une question économique est d’abord une question politique : ce qui est demandé ce n’est pas de pouvoir dépenser, c’est de pouvoir vivre.
- La seconde réponse a consisté à piéger le mouvement dans la nasse de la violence et à en faire porter toute la responsabilité – la “complicité” comme ils disent – sur tous les gilets jaunes. Peut-on réellement en vouloir aux GJ de céder quelquefois à la facilité de la violence quand on voit comment parmi les plus radicaux la violence constitue – malgré leur culture politique – encore un moyen légitime ? Bien sûr les GJ ont raison quand ils affirment que ce n’est pas eux qui ont commencé : bien sûr il y a la violence sociale. Et aujourd’hui la militarisation de la violence policière ainsi que le durcissement de l’appareil administratif aux dépens de l’indépendance judiciaire ajoute la violence de la répression à la violence originelle de la domination étato-économique. Il n’empêche que là n’est pas la réponse politique de la violence : car ce dont il s’agit ce n’est pas de répondre à la violence par la violence mais bien de mettre fin à la violence.
- Mais la réponse la plus massive, la plus médiatisée a été l’illusion d’un Grand Débat. Le Pouvoir n’a pas hésité quand il s’est agi de mettre la puissance de la parole au service de la protection de la domination : c’est ainsi que la domination symbolique est venue chapeauter les dominations économiques et politiques.
Ce Grand Débat est une triple mascarade :
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- Car s’il s’était agi de réellement respecter la parole politique venue des GJ, nul besoin d’organiser un grand débat, il suffisait d’écouter la voix des ronds-points. Mais comment ne pas constater que le profil sociologique des participants à tous ces petits débats du Grand débat n’est pas vraiment le profil des GJ. Faut-il alors s’étonner que le “bloc bourgeois” qui y était largement représenté n’ait pas fait remonter la revendication politique du RIC ? Chacun peut sans difficulté pourtant anticiper la portée qu’un RIC abrogatoire (sur les lois) voire révocatoire (sur les élus) pourrait avoir si l’on voulait vraiment remettre la volonté générale (plutôt que la concurrence des lobbies) au centre de l’espace public.
- Pendant des heures, le président élu a monopolisé la parole avec des durées de prise de parole dignes des démocraties les plus parodiques. De débat, il n’y en eu réellement jamais : dans un vrai débat démocratique, le temps de parole est le plus également réparti entre chacun des participants. Ce ne fut jamais le cas. Ce débat ne fut pas non plus un dialogue car le droit de réponse fut réservé à un seul : le grand débat ne fut en réalité qu’une juxtaposition de monologues, à l’image d’une société de plus en plus individualisée, composée d’individus de plus en plus séparés. Le Grand débat présidentiel fut exactement le contraire des discussions bouillonnantes des ronds-points. Ni débat, ni dialogue : il n’y eu que de la communication, format idéal pour un jeune premier fasciné par sa jouissance toute juvénile de repasser encore et encore son grand oral de l’ENA ; réponses à tout, sur le même ton d’autant plus assuré qu’il n’y a dans cette épreuve qu’un seul candidat (les autres dans ce cas ne sont que des candides).
- Enfin comment ne pas remarquer que dans l’inventaire à la Prévert des interlocuteurs choisis, triés, repérés : maires, jeunes, agriculteurs, femmes, intellectuels… jamais, jamais ne fut organisé un débat avec seulement des GJ. Non, il peut bien y avoir pseudo-débat avec que des maires, que des jeunes, que des intellectuels, que des femmes mais avec que des gilets jaunes, JAMAIS.
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