Alexandre Langlois, policier digne et en colère de voir une institution à la dérive
Monsieur le Ministre,
Lorsque je me suis engagé dans la Police nationale, j’avais à l’esprit deux maximes de Jean-Jacques Rousseau : « Il n’y a que la force de l’État qui fasse la liberté de ses membres » et d’autre part « que seule l’obéissance à la loi que l’on s’est prescrite est liberté ». Or aujourd’hui, je constate qu’il n’est plus question pour le peuple d’obéir aux lois auxquelles il a lui-même consenti et que le rôle de sa police n’est plus de protéger ses libertés, mais plutôt de toutes les annihiler, comme le ferait le plus vil des oppresseurs.
Qu’est devenue la Police nationale depuis 2014, elle qui se devait d’être la garante des libertés ? Ne mérite-t-elle pas mieux que d’appliquer à la lettre des lois de plus en plus liberticides et autoritaires ? En pareille situation, peut-on encore parler d’une police républicaine ou ne s’agit-il plus que d’une milice au service de votre autoritarisme ? Mon engagement dans la Police nationale ne peut plus se maintenir dans un tel régime sans aucun espoir de réforme telles que vos prises de position récentes le laissent présager.
De surcroît, votre ministère, est pourtant celui qui distribue le plus de sanctions disciplinaires contre ses personnels, se fait beaucoup moins strict contre les policiers qui tabassent, mutilent ou tuent des innocents comme Madame Zineb REDOUAN, Monsieur Steeve CANICO ou Monsieur Cédric CHOUVIAT, tandis que les policiers qui, au contraire, dénoncent ces dérives et dysfonctionnements, se font durement réprimander au motif qu’ils ne respecteraient pas la loyauté envers leur hiérarchie ou porteraient atteinte au renom de la Police nationale !
Tel n’est pas le comportement que la population attend de ses responsables politiques. Suite à la mort de Malik OUSSEKINE le 6 décembre 1986, M. Charles PASQUA, alors Ministre de l’intérieur, non seulement présenta ses excuses en personne à la famille, mais, de surcroît, prit la décision de dissoudre les voltigeurs.
Depuis le début de ce quinquennat, c’est l’inverse qui est pratiqué : on nie les faits, on ne présente jamais d’excuses et… on recrée les voltigeurs que l’on rebaptise BRAV-M ! Les policiers sont depuis lors au service d’un Président de la République qui les utilise pour réprimer avec violence tout mouvement social contestataire tels que les Gilets jaunes, mais également les infirmières, les pompiers, les médecins, les avocats au lieu de leur permettre de manifester leurs revendications de manière encadrée et sécurisée.
Depuis la crise COVID 19, les policiers sont désormais exclusivement affectés au contrôle social et non plus au respect du Code pénal. Les décrets et arrêtés préfectoraux les plus incohérents et absurdes ont remplacé les lois autrefois votées par nos Assemblées. Nous contrôlons des attestations de déplacement et veillons au bon respect des distanciations sociales pour lutter contre l’épidémie. Or, si tel était réellement le but de notre action, c’est le personnel hospitalier qui aurait dû avoir des renforts, et on parlerait plutôt de distanciation sanitaire.
Au lieu de cela, on nous détourne de nos vraies missions, qui sont de poursuivre les délinquants et les criminels, et d’assurer la paix et la sécurité de nos concitoyens. Le 26 novembre 2020, M. David PERROTIN, journaliste à LOOPSIDER, présentait la vidéo d’un homme littéralement passé à tabac par trois policiers entrés par effraction sur son lieu de travail et en dehors de toute commission rogatoire.
Sur la vidéo surveillance des locaux, on peut notamment entendre les policiers le traiter de « sale nègre » avant de braquer une arme contre lui en présence d’autres personnes dont l’une serait mineure. Cet évènement honteux, tout autant que les réactions du ministère qui s’ensuivirent, a renforcé ma conviction de mettre fin à mes fonctions. Tout autant que les réactions habituelles de mes collègues, dont un délégué du Syndicat UNITE-SGP-FORCE OUVRIERE, organisation que vous recevez régulièrement, a pu dire dans une émission de télévision que « BAMBOULA c’est encore à peu près convenable » sans subir la moindre sanction ou autre forme de poursuite de la part du ministère.
La seule défense tenable, bien que fantaisiste du Préfet de police M. Didier LALLEMENT, à propos de l’interpellation susmentionnée, a ainsi été de dire qu’il n’était « pas au courant », alors même qu’il y a eu un appel de renfort, une sortie d’armes et un tir de grenade dans un lieu clos. Mais qu’attendre d’un Préfet de Police, qui a obtenu sa promotion de Bordeaux à Paris en couvrant déjà des exactions de policiers par des mensonges dans l’affaire Olivier BEZIADE et à qui vous renouvelez encore votre confiance, malgré qu’il « ne soit pas dans le même camp » que la population ou qu’il ordonne une évacuation brutale de la Place de la République encore récemment. Votre tweet hypocrite a fini de sceller ma décision : « Je me félicite que l’IGPN ait été saisie par la Justice dès mardi, je demande au Préfet de Police de suspendre à titre conservatoire les policiers concernés. Je souhaite que la procédure disciplinaire puisse être conduite dans les plus brefs délais ».
Hypocrite, lorsque l’on sait que par l’effet de la loi sécurité globale que vous défendez bec et ongles par la propagande et le mensonge, cette victime aurait fini en prison et ses tortionnaires médaillés ou encore primés. Oui, vous mentez Monsieur le Ministre lorsque vous prétextez vouloir protéger les policiers en prévoyant un an d’emprisonnement pour diffusion d’image de policiers identifiables, quand les textes existants sur le harcèlement et les menaces prévoient déjà des sanctions deux à cinq fois plus importantes, mais qui ne sont dans les faits jamais appliquées.
Appliquons ce qui existe plutôt que de brader la sécurité physique et mentale des policiers pour des éléments de communication. Quand des collègues CRS reçurent des menaces de mort à leur domicile par courrier, était-ce dû à la diffusion de leur image ? Non ! Mais à la publication par votre Ministère de leur prénom, nom et affectation au Journal Officiel. Est-ce qu’une quelconque mesure a été prise depuis ? La réponse est encore une fois non. Vous osez dorénavant instrumentaliser le drame de l’assassinat de nos deux collègues de MAGNANVILLE par un terroriste.
Pourtant, ont-ils été assassinés chez eux suite à la diffusion de leur image ? Une énième fois non, mais suite à l’absence de sécurisation des données des ressources humaines, qui se baladaient sur une clé USB non sécurisée par le ministère de l’Intérieur et transmise à un syndicat de police. Des mesures ont-elles été prises depuis ? La réponse est encore une fois et toujours négative. Si vous aviez un tant soit peu de respect pour les femmes et les hommes qui portent l’uniforme, comme moi, vous démissionneriez. Dois-je encore vous rappeler que la première cause de mortalité des policiers en fonction est le suicide ?
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, c’est quelque 150 vies sacrifiées. Était-ce à cause de la divulgation de leur image ? Je ne le crois pas, mais suppute plutôt un management délétère, des injonctions paradoxales, une politique du chiffre, la perte de sens de notre métier et de la fonction… Des mesures ont-elles été prises ? Pas vraiment, mis à part deux numéros verts et des barbecues « conviviaux ». Enfin, faut-il rappeler que le ministère de l’Intérieur ne respecte pas même les décisions de justice le condamnant pour, en ce qui me concerne personnellement, le refus d’exécuter malgré quatre demandes le jugement du Tribunal administratif de Versailles n°1505355 le reconnaissant coupable de discrimination syndicale. Pire, la discrimination a depuis lors repris de plus belle et j’ai été arbitrairement désarmé, sans contrôle de la médecine statutaire et mes notes de renseignements ne sont plus transmises, et ce sans justification.
Depuis ma première demande de rupture en juillet 2020, mon dossier aurait dû être traité au plus tard en septembre. Mais même pour cela, le Ministère ne s’estime pas contraint de respecter la loi et les délais, ce qui engendre encore un préjudice à mon encontre. À moins que ce ne soit dans l’objectif de me sanctionner une nouvelle fois arbitrairement et d’éviter ainsi de me payer les indemnités légales ? Pour l’ensemble de ces raisons, je sollicite, Monsieur le Ministre, ma rupture conventionnelle dans les meilleurs délais. Je quitte un métier que j’aimais, car vous avez fini de dénaturer la noble mission pour laquelle je m’étais engagé. Je quitte la Police nationale pour les mêmes raisons que j’y suis entré : la défense des libertés individuelles et de l’intérêt général. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes salutations républicaines.
Alexandre LANGLOIS Secrétaire général VIGI. Ministère de l’Intérieur / Police
Un info des Amis de la terre, midi-Pyrénées